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Jacques Martel nous régale avec son nouveau roman La voie Verne : une dystopie épique et complexe, qui porte un regard critique sur notre monde.

Cette critique m’aura pris beaucoup de temps, car elle résulte d’une réflexion très profonde sur le sens même de la créativité. Et sur le succès rencontré ou non par une oeuvre. En effet, La voie Verne, dernier né de Jacques Martel, publié chez Mnémos, est l’un de ces livres qui interroge et qui percute. L’intrigue est complexe, les personnages sont profonds et leur psychologie, élaborée.

Synopsis de La voie Verne :

Un futur qui pourrait être aujourd’hui : l’usage du papier a disparu et l’ensemble des connaissances a été numérisé, jusqu’à ce qu’un virus informatique terriblement puissant et fulgurant en anéantisse une grande partie.
Dans ce monde au savoir gangrené, John, un homme d’âge mûr, devient majordome pour de mystérieuses raisons dans une famille richissime, recluse dans un immense manoir perché au cœur des Alpes.
C’est là que vit Gabriel, un étrange enfant qui passe son temps dans un univers virtuel mettant en scène un XIXe siècle singulièrement décalé où il retrouve tous les héros, machines et décors de Jules Verne, un écrivain depuis longtemps oublié…
Confronté au mutisme du jeune garçon, aux secrets et aux dangers du monde virtuel dédié à Jules Verne, John s’embarque sans le savoir dans une aventure dont les enjeux se révéleront bientôt vertigineux.

La voie Verne, livre de Jacques Martel
Couverture complète de la voie Verne présentant une ville futuriste dans les tonalités rosées, violettes et or. Au fond, un bâtiment ressemblant à un capitole. En haut, apparaissent des cercles par transparence. Source : Mnémos

Pour aller plus loin que le résumé pas très éclairant, mais sans vous spoiler l’intrigue.

John, mystérieux personnage, se fait embaucher comme majordome au manoir des Dumont-Lieber. La maîtresse de maison, Agathe, y demeure avec deux domestiques et son petit-fils Gabriel. Ce dernier aime passer son temps avec son cyclope, une paire de lunettes, qui lui permettent d’entrer dans le HALO. Le halo est une réalité virtuelle, sorte d’Internet parvenue au paroxysme de son évolution.

Obsédé par les romans de Jules Verne, la présence de John est directement liée à celle de l’incroyable collection que recèle cette ancienne demeure. En effet, les livres ont tous été perdus et la détention de romans est devenue un délit dans un monde où la production de papier se raréfie.

La voie Verne : des personnages troublants

Aucun des personnages principaux ne manque ni de réalisme, ni de développement. Quant aux personnages secondaires, ils apparaissent telle des ombres qui ne plombent nullement le récit. De plus, le style d’écriture de Jacques Martel épouse chacun d’eux. Il leur confère un corps et une personnalité propre.

J’adresse une mention spéciale au personnage principal, énigmatique. Il réussit le tour de force de nous cacher sa véritable identité durant une bonne partie du roman. En plus d’être bien écrit, sa psychologie s’avère complexe et crédible. Je suis également tombée sous le charme du personnage de Gabriel, atteint par un TSA (trouble du spectre autistique).

Mise à part le faite qu’il soit doué en informatique (mais cette compétence est avant tout employée au service de l’intrigue), Gabriel ne porte pas les stigmates d’un cliché ambulant. Pour autant, il agit et réagit comme de nombreuses personnes atteintes par un TSA. Son atypie est perçue comme une force, tout en étant décrite avec véracité. Son caractère introverti et son enfermement sont la conséquence directe d’un traumatisme. Ce ne sont pas le résultat de son autisme. Jacques Martel l’a traité comme un personnage à part entière, avec ses difficultés, et son passé douloureux.

Peut-être que ce traitement vous semblera normal, mais une telle représentation n’est en fait pas banale. Au contraire, une telle qualité d’écriture est plutôt rare en ce qui concerne la représentation des personnages neuroatypiques dans les œuvres de fiction. Je vous invite à vous renseigner sur le sujet pour comprendre que ce point méritait d’être souligné.

Une intrigue alambiquée

L’intrigue est sans nulle doute l’atout et le défaut majeur de ce livre. Aux premiers abords, l’histoire ressemble à un patchwork. Si vous ne désirez pas lire un livre complexe, avec des intrigues secondaires et des intrigues dans l’intrigue, il faudra passer votre chemin. En réalité, l’histoire est tissée telle une tapisserie, en profondeur, sur plusieurs niveaux. Tous les points de croix finissent par se rejoindre et former une fresque absolument étonnante. Malgré tout, elle peut être parfois déroutante et perdre le lecteur dans ses méandres, car il n’est pas si aisé de ne pas perdre le fil de l’histoire principale quand tant d’intrigues secondaires et tertiaires se déroulent pour finalement se rejoindre.

La Voie Verne : philosophique et fantastique

D’où ma chronique très tardive sur cet ouvrage ! Il a profondément bouleversé et remis en perspective mes cinq années d’études en fac de Lettres. Pourquoi ? Parce que j’ai réalisé que tout ce que j’avais lu sur les critiques littéraires m’avait jusqu’à présent induite en erreur dans mes jugements. J’ai été formatée à considérer qu’il faut distinguer « les classiques », « les anciens », « les modernes », « l’originalité », « les auteurs reconnus par leurs pairs » et « les autres ».

Si j’analyse ce livre au regard de mes connaissances littéraires, je vous dirais qu’il casse les codes, qu’il est original. Il renouvelle la construction de l’ethos des personnages (leur personnalité), mais aussi celle d’une intrigue. Je ne peux que vous inciter à réfléchir d’abord à ce que vous attendez de ce genre de romans, avant de vous lancer. Ce sont vos attentes qui vont déterminer votre appréciation de cet ouvrage, et non pas ce qu’il a réussi ou non d’un point de vue technique. Cela va sans dire, ce livre est une réussite technique. Toutefois, je ne suis pas certaine qu’il puisse toucher un public qui ne serait pas sensible aux grandes questions philosophiques qui interrogent sur le sens de l’existence. Ce sont en effet ces dernières qui structurent le texte et lui insufflent tant de cohérence.

Certains concepts philosophiques sont abordés. C’est le cas de l’égrégore. Il s’agit de réunions d’individus suivant un rituel qui permet d’alimenter une force dans un but commun. D’autres réflexions métaphysiques trouvent aussi leur place, notamment ceux des influx et échange d’énergie entre les individus. La question fondamentale de la métempsychose est aussi centrale, à savoir, la capacité d’une âme à transcender un corps, « se réincarner ». Toutes ces questions alimentent la profondeur des personnages et confèrent au texte une dimension purement fantastique.

Un univers dystopique captivant

Outre l’aspect philosophique qui se trouve au cœur du texte, c’est l’univers dystopique qui demeure le plus attrayant. Pour rappel, une dystopie est le contraire d’une utopie, l’inverse d’un monde parfait. Jacques Martel est un habitué du genre, il a notamment écrit Bloody Marie dans la même veine.

La voie Verne nous offre une dystopie captivante. Dans cet univers, la démocratisation des réseaux informatiques et la massification de la technologie a mené progressivement à la raréfaction des livres. Avec toutes les conséquences que cela engendre. L’humanité est donc à la fois en régression, et prise dans les tourments d’un progrès constant. Les hommes explorent maintenant les confins de notre galaxie, mais ils ne lisent plus.

Entre l’ancien monde, incarnée par une bourgeoisie rigide mais qui n’est pas réfractaire au changement, et le nouveau, il aisé de voir une caricature satirique de notre société actuelle. Plus que jamais, La voie Verne nous démontre que ces deux ensembles ne peuvent pas s’articuler l’un sans l’autre, et que la perdition de la culture causerait la perdition de l’humanité.

En conclusion,

je pourrais disserter des heures sur ce roman, tant il m’a émue, marquée et touchée. Ce n’est pas, pour autant, une lecture facile et badine. Je le conseillerais à toute personne qui s’interroge sur le sens de la vie, de l’existence. Sur les origines de l’univers, et sur sa finalité. Je le donnerais à lire à quelqu’un qui aime les intrigues complexes et les réflexions profondes sur le devenir de l’humanité.

Relu par Evan Garnier

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Tsilla Aumigny

Rédigé par Tsilla Aumigny

Rédactrice en Chef, ex-Enseignante en Lettres Classiques certifiée, Autrice de roman, Scoute toujours, Jedi à ses heures perdues, Gryffondor.

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