Dane Abis est romancière et poète, mais surtout dessinatrice et peintre. Elle a développé son propre style artistique, « le triangulisme », et a exposé à plusieurs reprises dans des galeries parisiennes. Sa prochaine exposition, sur le thème « Mondes fabuleux », se déroulera du 7 au 31 octobre 2025 à la médiathèque Georges Pérec à Gagny.
Dane Abis, pouvez-vous vous présenter et présenter votre parcours ?
Il me faut remonter loin. Dès ma naissance, j’ai été en contact avec tous les grands peintres de Tunisie (mon pays natal), amis de mon père : Mosès Lévi et son fils Nello, le peintre russe A. Roubtzoff, Corpora, le sculpteur élève de Rodin, A. Pina, un voisin Lorenzi… ainsi que le peintre Bocchieri qui partageait le même atelier que mon oncle et parrain Arrigo, mort à l’âge de 32 ans (j’avais alors 11 ans) sans oublier Farion et Naccache, fondateurs du « Groupe des Dix », et tant d’autres … Je ne savais pas encore écrire, qu’avant 3 ans, je dessinais des bandes dessinées d’une page chacune (sans bulles, bien sûr) et couvrais les dalles de marbre du sol de ma chambre de dessins (vite effacés au ménage). Je n’ai jamais cessé de dessiner et mes compositions en classe s’ornaient dans leurs marges d’illustrations peu appréciées de mes institutrices puis, plus tard des professeurs.
J’ai fréquenté pendant mon adolescence et ma jeunesse les ateliers du peintre Boucherle (de 11 à 16 ans), puis de Rendina (à 16 et 17 ans) – que je trouvais trop conventionnels. À cet âge, ma vie a été modifiée par la guerre. Ma famille a quitté la Tunisie et s’est trouvée dans les difficultés, j’ai étouffé mon désir de poursuivre des cours d’Art, pour m’inscrire à l’université de Droit Assas à Paris afin de trouver un travail le plus vite possible.
Pourtant je n’ai jamais coupé avec les Arts ni les Lettres. Je me suis inscrite en parallèle à la faculté italienne de Paris en Lettres, Arts et Architecture (au détriment du Droit) et remplis de nombreux cahiers de poésies illustrées. Mais surtout je dessinais énormément. C’est au cours de cette période que j’ai réalisé des essais de graphisme et définis mes principaux styles : « triangulisme », naïf, formes stylisées, « encres estompées », tous pratiqués en même temps.
Plus tard, devenue fonctionnaire à l’Éducation nationale, je m’adonnai à la peinture en m’inscrivant à divers ateliers d’artistes : à Gagny, où j’habite, à Bobigny, où je travaillais et auprès d’associations organisant des expositions collectives. (Je suis membre fondatrice de celle de Bobigny). Ensuite, bien entendu, j’ai fait des expositions personnelles dans des galeries de banlieues ou de Paris, soit ponctuelles soit permanentes – et même dans les bureaux du Rectorat de Paris où je travaillais en fin de carrière, auprès de mes collègues (acheteurs assidus).
Quelles sont vos influences artistiques ?
J’ai toujours cherché à m’éloigner de toutes influences. Si je subis une influence, c’est celle de mes rêves que je cherche à transcrire.
Comment définiriez-vous le triangulisme ?
Ce style a commencé en 1960 quand, à partir d’un style figuratif, je représentais l’être humain intégré dans son décor cosmique et éparpillé en triangles de couleurs vives. Ceci aussi bien en huile qu’en aquarelle.


Vous dessinez souvent des créatures fantastiques ou mythologiques : sirènes, faunes, gorgones, fées… Êtes-vous inspirée par les mythes et les contes de fée ?
Oui, beaucoup ! Je suis restée une grande enfant, nourrie depuis ma naissance de contes de fées et de culture mythologique. Tous les mythes me passionnent et font l’objet de mes thèmes. Ainsi les scènes naïves où les personnages évoluent dans un décor souvent fantastique de marines, pastorales, contes de fées ou légendes.
Vous utilisez des techniques très variées : aquarelle, peinture à l’huile, dessin à l’encre, pastel… Laquelle préférez-vous ?
Effectivement, j’aime varier mes styles. Ainsi ce que j’appelle les « pastels rouillés » où, à partir de formes stylisées, j’utilise la technique mixte de pastels de quelques teintes tons sur tons, dilués avec les mêmes teintes en aquarelle ou étalées à l’essence de térébenthine, que je nomme ainsi à cause de leurs couleurs imitant les dessins à la sanguine.
Une technique que j’aime particulièrement ce sont « les encres estompées », c’est-à-dire que j’estompe en partie mon dessin à l’encre de Chine (ou normale) à peine tracé pour l’étaler – ce qui lui conserve toute sa noirceur, contrairement au lavis, et que je peux recouvrir à l’huile ou à l’aquarelle. Mais ces deux techniques s’apparentent plutôt au dessin.
Bien entendu, la peinture à l’huile conserve pour moi toute sa valeur mais, dernièrement, ce sont les aquarelles qui ont ma faveur pour leurs multiples possibilités (et leur rapidité de réalisation !)


Vous dessinez aussi beaucoup de paysages de la Tunisie, où vous avez vécu. Vous avez d’ailleurs participé à une émission pour la télévision tunisienne ?
C’est curieux, dans mes écrits, je n’évoque jamais la Tunisie mais plutôt la Corse, pays de mes vacances. Mais la Tunisie est très présente dans mes peintures. Ce qui n’a rien d’étonnant étant donné les magnifiques couleurs de ce pays subtropical, bordé sur deux côtés par la Méditerranée.
Oui. Il s’agit d’une mission de la télévision tunisienne destinée à être produite aux informations culturelles de midi : j’ai la fierté d’avoir été sélectionnée. Filmée au Consulat de Tunisie rue Botzaris à Paris 75018 le 11-11-1994, elle réunissait six plasticiennes françaises ayant un lien avec la Tunisie, exposant deux peintures et commentées par les peintres durant une interview personnelle filmée d’un quart d’heure chacune.
À la suite de cette émission, j’ai été invitée au Consulat de Tunisie par la femme du Directeur du Centre culturel, chargée de l’administration, pour vendre deux peintures que cette dernière a choisies. Ce sont une huile sous verre, sur papier toilé format N°8 « La nuit du Destin » destinée à la collection exposée au Centre culturel et une huile sur toile « Adam et Eve au Paradis terrestre » pour le bureau du Directeur.



Vous avez écrit plusieurs romans autoédités, que vous illustrez vous-même ? Un polar (Contes Assassins), des romans historiques, des contes pour enfants, des recueils de poésie…
J’ai publié soixante-six livres, tous illustrés abondamment, par moi évidemment, en noir (à l’encre, parfois au stylo bille). Ils sont tous édités en ligne chez theBookEdition et déposés à la BNF. J’ai créé moi-même la couverture et la présentation des textes. Comme vous le voyez, je suis assez personnelle. J’ai un faible pour mes pièces de théâtre en vers et mes romans pour enfants, mais aussi pour un livre sur l’histoire poétisée de la Chine, Chronique de l’empire des trois royaumes. Mais j’ai eu la faiblesse d’écrire aussi une biographie (masquée) de ma famille.
Quel est votre univers mythologique / votre créature imaginaire préférée ?
J’ose à peine le dire : ce sont les sirènes et les fées des contes et légendes du Moyen Âge. Mais aussi le très attachant Pan et le cortège des nymphes de la mythologie grecque.


Un mot pour nos lecteurs.ices ?
Je suis très touchée des marques de sympathie pour mes écrits ou mes peintures car ils sont l’émanation de ma personne. Se donner à son art et s’en voir ainsi récompensée est une faveur du destin. Ainsi les achats de mes collègues (qui, bien que peu argentés, se constituaient une collection de plusieurs petits tableaux en en achetant un par mois) ou ce riche mécène tunisien (président des salines de Tunisie) qui a fait magnifiquement encadrer quinze de mes grandes « encres estompées » aquarellées sur des sites tunisiens pour les disposer en exposition permanente dans son hall d’entrée à Tunis. Je n’ai pu faire de l’écriture ni de la peinture mon vrai et seul métier, mais ils ont tenu dans ma vie une place si importante – et primordiale – que je n’ai pas été lésée. Mon conseil à ceux qui me lisent ou viennent à mes expositions : ne jamais abandonner ses rêves et cesser de les exprimer.

Merci à Dane Abis pour cette interview !
Retrouvez Dane Abis à l’exposition « Mondes Fabuleux » à la médiathèque Georges Pérec de Gagny, du 7 au 31 octobre 2025. Et tous ses livres sur TheBookEdition.

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Rédigé par Umeboshi
Rédactrice, Relectrice SEO, Community Manager, enfant prodige, passionnée d’univers gothiques, mangaphile, parle le japonais couramment, a rédigé une thèse de 80 pages sur JoJo’s Bizarre Adventure.
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