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Quels sont les Mythes et les Monstres dans Harry Potter ? [THÉORIE]

Last updated on 27 janvier 2024

Le bestiaire mythique de J.K. Rowling n’est pas seulement là comme contexte ! Justine Frugier et Tsilla Aumigny se sont penchées sur les créatures fantastiques dans la saga Harry Potter, et vous délivrent leur analyse sur leur place et leur impact dans la saga du petit sorcier. 

Le 3 octobre 2013, un article paraissait sur l’Express.fr. Il était intitulé « Harry Potter, cet incompris, au programme de Science Po »[1]. Le ton était donné. Notre collègue Carine Claude interrogeait François Comba, professeur de l’Ecole de Science Politique. Ce dernier affirmait qu’Harry Potter était : « Une fiction à la fois libre et concertée, inventive et savante, adossée à une culture étendue, magistralement recyclée. » Et qu’il serait, dans ses cours : « Replacé dans l’histoire de cette culture occidentale de L’Illiade à Jane Eyre, dont il est l’héritier. »

En 2013, Harry Potter cherchait une forme de légitimité auprès de spécialistes peu enclins à l’accueillir dans le panthéon des œuvres littéraires majeures. Aujourd’hui encore, le sorcier à lunettes n’est pas toujours reconnu à sa juste valeur. Bien que ses enseignements se soient démocratisés dans les collèges et les lycées.

Pourtant, des références mythologiques, philosophiques, politiques et littéraires peuplent l’Univers de Harry Potter. Des noms des personnages aux centaures, du crin des licornes aux sortilèges de mort, la mythologie se glisse, s’insère et se faufile au fil des récits et des rencontres des héros. Elle est une résurgence récurrente, recyclée, fantasmée ou réinventée.Quel est son rôle, quelle est sa fonction ? Que sont devenues les créatures mythiques ? Qu’est-ce qui se cache derrière le visage de ces nouveaux monstres ? En remontant aux sources qui ont donné naissance à ces animaux fabuleux, nous tenterons d’analyser leur importance et leur impact dans les sept tomes que composent le récit. Nous nous centrerons sur les créatures de la saga originelle, mais nous prendrons également appui sur l’univers étendu du sorcier. Revenons tout d’abord sur l’histoire de ce succès planétaire, et interrogeons-nous : comment et pourquoi les monstres et les mythes y ont contribué.

Photo officielle de la Warner Bros mettant en scène le Loup-Garou Remus Lupin hurlant à la pleine lune.
Photo Officielle de la saga Harry Potter, du troisième film, Le prisonnier d’Azkaban, mettant en scène Remus Lupin, transformé en Loup-Garou et hurlant à la pleine lune.
Source : Michel Seresin, Harry Potter and the prisoner of Azkaban, Warner Bros, 2004

Sommaire :

  • Introduction
  • Omniprésence des créatures mythiques et légendaires dans Harry Potter
  • Petite histoire de la considération des créatures fantastiques et de la sorcellerie dans la Littérature occidentale
  • Les monstres dans l’univers d’Harry Potter : des sujets d’études scientifiques 
  • Hagrid, le demi-géant fantastique de Harry Potter
  • L’exemple des licornes (que serait un bon article sur les créatures fantastiques sans mentionner les licornes ?)
  • Les nouvelles créatures fantastiques dans l’univers d’Harry Potter
  • Le Sinistros : les chiens noirs maudits
  • Loup-Garou : la figure des frères ennemis
  • Les centaures, des créatures pédagogues 
  • Les Gobelins, des créatures qui servent à dénoncer la ségrégation
  • Dobby, une incitation à la rébellion
  • Conclusion
  • Bibliographie

Omniprésence des créatures mythiques et légendaires dans Harry Potter

Les mythes et légendes sont fascinants ou effrayants, comiques ou tragiques. Ils nous permettent de réfléchir sur nos actes, nos rites, notre perception du monde. Les mythes ont une importance considérable dans la fantasy, et plus particulièrement, dans Harry Potter. Ils se masquent sous diverses formes. Ce sont des créatures fantastiques, des personnages, des lieux, des intrigues dans l’histoire, des objets. Ils forment une toile de fond, et façonnent tout l’univers étrange et pourtant familier de Harry. Les mythes et légendes sont omniprésents dans cette saga iconique.

Outre les très nombreuses rencontres entre les héros et ces monstres mythiques, on les retrouve aussi via les représentations artistiques. Par exemple, la tapisserie en face de la Salle sur Demande dépeint la stupide tentative de Barnabas le Follet d’apprendre l’art de la danse à des trolls.

Les cours d’Histoire de la Magie relatent de façon elliptique les combats des Gobelins pour leur indépendance. D’autres cours, comme la Métamorphose, les Potions, et la Défense contre les Force du Mal évoquent des sortilèges de protection, de métamorphose et des potions pour se protéger de ces monstres, comme le sortilège « Mutinluntin malinpesti » ou la potion « tue-loup ». Quant aux cours de Soins aux Créatures magiques, il s’agit d’un espace privilégié de présentation et d’étude des créatures fantastiques. Que ce soit sur le plan anatomique et magique, ou sur le plan médical.

J.K. Rowling s’est inspirée de différents mythes de diverses cultures

On peut citer les mythes celtes (Fenrir, le loup-garou), les mythes greco-romains (Firenze le centaure), les mythes hindous (Nagini le serpent de Voldemort), ou encore des mythes égyptiens (le phénix a pour origine L’oiseau Benu égyptien). Enfin, les origines des dragons sont diverses. Les Dragons viennent d’Amérique latine, des pays de l’Est, ou de la Chine. Ces pays correspondent aux véritables origines mythiques des dragons, dont le mythe est universel. Elle a réussi à recréer sa propre mythologie qui provient d’une longue histoire littéraire et culturelle.

Petite histoire de la considération des créatures fantastiques et de la sorcellerie dans la Littérature occidentale

Dans l’Antiquité, les créatures et les animaux en général, incarnent le monde sauvage, non-civilisé. Les figures mythiques comme le Sphinx sont des métaphores de la bestialité humaine

Jusqu’à la fin du Moyen-âge, certaines créatures fantastiques sont classées, dans les bestiaires, au même titre que les animaux réels. Ainsi, les phénix, licornes, griffons et autres manticores côtoient-ils les pigeons, les moustiques et les chats[2].

Quant à la sorcellerie, elle se pratiquait couramment dans l’Antiquité : il était courant d’aller voir une sorcière pour se faire prédire l’avenir. Même si elle était déconsidérée au Moyen-âge, la pratique n’en restait pas moins vivace. Dès lors, il est compréhensible qu’une place de choix ait été donnée aux créatures fantastiques dans les grimoires, mais aussi, dans les manuels scientifiques. La pratique fut initiée dès l’Antiquité par Pline l’Ancien dans son ouvrage Histoires Naturelles, qui étudiait ces phénomènes[3].

Le Moyen-âge : l’âge d’or des créatures de Dieu et la chasse aux sorcières

Au Moyen-Âge, ces créatures ne sont pas considérées comme des monstres, mais comme des animaux, des créations de Dieu. Chaque animal était décrit d’après ses caractéristiques physiologiques, et ses accointances (ou pas) avec les valeurs chrétiennes.

Les sorcières furent tolérées au Moyen-Âge, puis chassées par les Chrétiens. Pour autant, les pratiques demeurèrent courantes. En outre, certaines femmes reçurent le titre de sorcière, simplement parce qu’elles étaient rousses ou qu’elles pratiquaient la médecine (et notamment les avortements)[4].

Du XVIème au XVIIème siècle : quand la Science renouvelle l’approche des monstres mythiques

Au XVIème siècle, les créatures s’anthropomorphisent : c’est-à-dire qu’elles prennent des traits plus humains. Gargantua, le géant créé par Rabelais, en est un bon exemple. Il incarne un idéal utopique de la Renaissance, tout en caricaturant ses principes éducatifs[5]. Puis, le XVIIème siècle et le XVIIIème seraient marqués par un retour à la figure mythique du monstre. Les monstres sont majoritairement représentés dans les œuvres classiques, notamment dans le théâtre de Racine. Parallèlement, les Académies des Sciences voient le jour, et les bestiaires se fondent dorénavant sur les classements établis par Carl von Linné[6]. Il est le père du concept de biodiversité. Il a identifié pas moins de 4 400 espèces animales et 6 000 espèces végétales. A partir de ses classifications, et grâce à l’évolution des Sciences, le progrès s’installe.

Alors que la Science prenait son essor, révolutionnant le monde par son approche pragmatique fondée sur l’observation des faits, la Sorcellerie avait encore de beaux jours devant elle, malgré l’Inquisition. En effet, certaines maîtresses des rois, comme Madame de Montespan, consultaient des sorcières et participaient à des messes noires[7]. Les Lettres de Madame de Sévigné nous apprennent également que certaines femmes étaient encore exécutées sur la place publique pour sorcellerie[8].

XIXème siècle : l’apparition du Fantastique 

Le XIXème et le XXème siècle marqueraient un tournant dans la représentation des monstres. Avec l’avènement du Fantastique, les créatures ne sont plus seulement fascinantes, elles deviennent également terrifiantes. La frontière entre le réel et l’imaginaire devient source d’angoisse et d’hésitation. De nouvelles créatures émergent, elles revêtent un aspect mortifères, et nous renvoient à notre condition humaine.

Prométhée, la créature du Docteur Frankenstein et le Comte Dracula en sont de bons exemples. Le titan qui apporta le feu aux hommes dans la mythologie grecque inspira Prométhée, la créature du Dr Frankenstein. Il est celui qui les créa, qui outrepassa les ordres de Zeus pour leur apporter la lumière qu’il leur manquait. De créateur dans le mythe originel, il devient créature sous la plume de Mary Shelley, nous questionnant au passage sur les apports du progrès dans l’Humanité[10].

Et à partir du XXème siècle : les créatures deviennent des êtres à part entière

Après le succès des magazines Weird Tales publiés dès 1923 aux États-Unis, des sagas de Tolkien, de Star Wars et l’apparition des premiers jeux de rôle sur table créés par Gygax et Arneson (1974), les bestiaires fantastiques se sont étoffés et diversifiés. De simples créatures mythiques, elles sont devenues des personnages et des individus à part entière. Ce sont des entités sociales, politiques, qui ont leurs propres dieux, leur propre langue, leurs propres façons de penser et d’agir. Dans ces livres, les créatures mythiques de l’Antiquité et du Moyen-âge ont commencé à côtoyer les créatures fantastiques du XIXème siècle.

Dans le prologue du Seigneur des Anneaux (dans le premier tome, la Communauté de l’Anneau), cette évolution est manifeste, puisque Tolkien s’évertue à faire des Hobbits un peuple ayant une histoire et des mœurs qui lui sont propres. Il les présente dans ce prologue comme si ce dernier était en fait le fruit d’une enquête sociologique et historique : « En vérité, peu de Hobbits avaient jamais vu la mer ou navigué dessus et encore bien moins étaient jamais revenus pour le raconter. La plupart d’entre eux considéraient les rivières et les embarcations avec une grande méfiance, et rares étaient ceux qui savaient nager »[11].

En s’inspirant à la fois de la mythologie, des bestiaires du Moyen-âge, et de la façon qu’ont eu les auteurs contemporains tel Tolkien de traiter les créatures, J.K. Rowling a réussi à engendrer des créatures uniques. Que ce soit dans leur genèse ou dans leur traitement : ces créatures sont uniques !
Elle les dotées de caractères spécifiques, d’un langage singulier. Elle en a aussi fait un objet d’étude, une Science.

Les monstres dans l’univers d’Harry Potter : des sujets d’études scientifiques 

J.K. Rowling a écrit un ouvrage sur les créatures fantastiques, et elle les a classées en fonction de leur genre et de leur espèce, comme s’il s’agissait de créatures existantes[12]. Cette pratique est donc un héritage direct des bestiaires du Moyen-âge. De plus, le Ministère de la Magie les catégorise en fonction de leur dangerosité. Elles sont donc considérées par une entité judiciaire et dépendent de celle-ci. Ainsi, dans le tome 3, un conseil du ministère de la Magie décide de l’exécution de Buck. Plus tard, Hermione prendra la tête du Département des Créatures Magiques au Ministère.

Dans le livre Les créatures fantastiques de J.K. Rowling, les pages sont annotées de façon humoristique par Harry, Ron et Hermione. Ainsi, à la question « Qu’est-ce qu’un animal fantastique ? » la réponse d’Harry est : « un gros machin poilu avec des pattes partout. » ou encore, à la page des Hippogriffes « seuls des experts peuvent s’y risquer », souligné et annoté : « est-ce que Hagrid a lu ce livre ? ». Les créatures fantastiques dans Harry Potter ont donc un double héritage : à la fois folklorique et scientifique.

Plutôt que d’étudier toutes les origines de tous les monstres, nous allons nous attarder sur certains d’entre eux. Ceux qui revêtent une importance particulière dans le récit, tel Hagrid, le demi-géant.

Hagrid, le demi-géant fantastique de Harry Potter

Dès le premier chapitre d’Harry Potter, Rubeus Hagrid fait son apparition. Hagrid, demi-géant, né d’un père humain et d’une mère géante.
Il est donc métissé : mi-monstre, mi-humain. Ce demi-géant est un collectionneur de monstres, mais aussi, un être sensible et compatissant. Il est à l’image de son métissage : à la fois grandiose, et humain.

Son prénom, Rubeus, vient du Latin rubor, is, qui signifie « rouge », mais surtout « rouge de honte, de confusion ». Son alcoolisme a déterminé son nom comme l’explique J.K Rowling elle-même : « Hagrid est également un vieux mot anglais, qui veut dire – c’est un mot de dialecte – que vous avez mal dormi. Hagrid boit beaucoup – il a souvent de mauvaises nuits »[13]. Maintenant, grâce à cette étude onomastique et étymologique (nom du personnage et étude de l’origine des mots), vous aussi, vous aurez l’image d’Hagrid, gentil poivrot de Poudlard, qui vit dans une cabane au fond du parc. Ne nous remerciez pas.

Hagrid n’a pas été jusqu’au bout de sa scolarité. Le directeur l’a banni de Poudlard car il élevait en secret une Acromentula. Il s’agit d’une araignée toxique, géante et carnivore que Tom Jedusor avait dénoncée comme étant le monstre de la Chambre des Secrets. Même si Aragog n’était pas le monstre de l’héritier de Serpentard, elle n’en reste pas moins une créature fascinante, mais dangereuse. Hagrid aime prendre soin des créatures que les autres considèrent comme des monstres.

Après sa scolarité, Rubeus Hagrid est devenu le gardien des Clefs et des Lieux de Poudlard. Il a continué d’élever secrètement d’autres monstres, comme les dragons. Puis, il est devenu professeur de Soins aux créatures magiques. Il aide ses élèves, comme il le peut. En effet, Hagrid est maladroit. Ses intentions sont toujours nobles (comme sauver et élever des animaux en détresse). Cependant, ses actes peuvent être embarrassants (comme lorsqu’il révèle des informations hautement confidentielles par mégarde).

Hagrid, un ange gardien

Son rôle est extrêmement important dans la saga, puisqu’il protège Harry Potter à plusieurs reprises : c’est lui qui l’amène chez les Dursley. C’est lui qui l’amène à Poudlard pour la première fois. Lui qui le protège contre les Mangemorts dans le septième tome. Surtout, c’est lui qui porte son corps inanimé, alors qu’il feint sa propre mort à la fin du dernier volet. Il s’agit là d’une métaphore : Hagrid est celui qui porte Harry Potter et ses amis dans le meilleur et dans le pire. Il est un adjuvant extraordinaire. Sa force réside avant tout dans son cœur.

Son soutien envers Dumbledore est par ailleurs inébranlable, puisqu’il tentera de rallier les géants à leur cause à ses risques et périls. Enfin, lorsque les Mangemorts tentent de s’en prendre à Poudlard, ils s’en prennent d’abord à Hagrid. Dans Le prisonnier d’Azkaban, les Malefoy tentent de le faire destituer et de tuer l’Hippogriffe Buck. Puis, dans l’Ordre du Phénix, Ombrage va tenter de l’évincer de son poste. Dans Le prince de sang mêlé, les Mangemorts brûlent sa maison.

S’en prendre à Hagrid, c’est s’en prendre au cœur de Poudlard. C’est en effet sa première fonction : garder les Clefs et les Lieux de Poudlard.

Hagrid est la caricature de l’ange gardien, attachant et surprotecteur. Il est celui qui prend tellement soin des autres, qu’il oublie de prendre soin de lui-même. Son statut de demi-géant fait de lui un monstre hors norme aux yeux des Moldus, et un hybride au cœur généreux aux yeux des sorciers. Hagrid est donc une créature à la fois monstrueuse et profondément humaine.

Hagrid et Graup : des géants humanisés

Par ailleurs, l’autrice sous-entend que la bienveillance pataude de Hagrid lui vient de son père humain. Il le décrit comme un homme bon. Le Gardien des Clefs affirme lui-même l’importance de sa part humaine dans ce qu’il était. D’ailleurs, le goût prononcé de Hagrid pour les créatures monstrueuses a peut-être pris racine dans la perception monstrueuse qu’il a de lui-même. Il se considère comme la maman de Norbert, le dragon qu’il adopte dans le premier tome. Il aime aussi son cerbère Touffu, qui n’est autre qu’une représentation du chien d’Hadès, gardant les Enfers. Lui qui n’est ni humain, ni géant, souvent moqué pour sa différence, trouve son équilibre auprès de créatures. En effet, elles aussi sont rejetées pour leur apparence, leur réputation ou leur violence. Violence qu’il ne voit pas toujours, car il ferme les yeux sur la sienne.

Autre géant très intéressant : Graup. Il est le demi-frère d’Hagrid qui le prend là encore en pitié. Il tente à tout prix de l’humaniser. Sa quête est de réhabiliter toute créature. Et il y arrive, à un certain niveau. Dans sa sauvagerie, sa violence et sa curiosité, Graup est l’incarnation même du mythe du bon sauvage selon Montaigne[14]. En évoluant dans le récit, au contact des humains, il prouve qu’il n’est pas qu’un barbare ignare. Il prouve également qu’il est capable d’intégrer certains codes de la société sorcière britannique, tout en conservant l’héritage de sa violente éducation au sein des clans de géants. J.K. Rowling n’en fait pour autant un exemple d’éducation humaniste dans Harry Potter, à l’image des géants Gargantua et Pentagruel de Rabelais[15]. 

Toutefois, les géants n’ont pas toujours été considérés ainsi au cours des siècles passés.

Origine mythique des géants

Les géants sont des créatures mythiques dont les origines mythologiques sont diverses : grecques, finnoises, nordiques, ou encore estoniennes. Alors qu’ils seraient nés de la Terre (Gaïa) d’après Apollodore[16], un écrivain grec, les géants seraient les premières créatures vivantes, engendrées par l’alliance de la glace de Niflheim et du feu de Muspellheim dans la mythologie nordique[17]. Leur force, leur brutalité, et leur caractère belliqueux les caractérisent. La nature antagoniste des géants nous est aujourd’hui principalement héritée de l’Antiquité grecque ainsi que de l’Ancien Testament.

Dans l’Ancien Testament et dans ses traductions les plus répandues, ce sont les Néphilims que l’on décrit comme des géants monstrueux. Ce sont tantôt créatures monstrueuses nées de relations entre des anges et des Filles des hommes, tantôt anges déchus. Les versions varient selon les traductions et les traditions. Ils n’en restent pas moins des créatures connues pour leur violence et leur méchanceté. Leur existence même aurait été à l’origine du Déluge. Autre personnage cruel et monstrueux décrit comme un géant : Goliath. Dans l’Ancien Testament, le guerrier géant est vaincu par le jeune David et sa fronde lors de la guerre entre les Philistins et le peuple d’Israël[18].

Chez les peuples germano-scandinaves, les géants (ou Jötnar) peuvent avoir un rôle créateur.

Ymir, par exemple, est à la fois le fondateur de sa race mais également le tout premier être vivant. De différentes parties de son corps naquirent des géants, un homme, une femme et un fils. Néanmoins, il est également connu pour sa brutalité qui poussa Odin à le tuer. Odin, autre dieu créateur, qui lui-même est le fils de la Jotünn Bestla.

Ce meurtre sur ascendant est partie intégrante du mythe de la création. Selon Snorri Sturluson  (<3) qui est aujourd’hui l’une de nos deux principales sources d’informations sur la mythologie nordique, le déluge de sang provoqua la mort de tous les géants. Odin et ses frères utilisèrent le corps d’Ymir pour créer l’univers. Ses sourcils furent employés pour engendrer le Royaume de Midgard. Ses cheveux pour les arbres. Et ses os pour les montagnes. Ses dents et des fragments d’os pour les rochers. Son sang pour les rivières. Son crâne pour le ciel. Et son cerveau pour les nuages. Les asticots dévorant sa chair devinrent la race des nains[19].

Hagrid et son frère incarnent cette ambiguïté mythique. Ce sont à la fois des forces de la nature, inciviles et barbares, mais aussi des créateurs. Ce ne sont pas les seules créatures qu’Harry Potter rencontrera sur son chemin…

L’exemple des licornes (que serait un bon article sur les créatures fantastiques sans mentionner les licornes ?)

Revenons sur la genèse de ces créatures mythiques. On retrouve les première descriptions de licornes dans l’Antiquité (V°siècle av JC). La licorne était alors une créature possédant une seule et unique corne, d’après L‘Histoire de l’Inde du médecin et historien grec Ctésias. Il est très important de noter que ces textes ne nous ont été transmis que par les intermédiaires de l’historien romain Elien (III°s) et du philosophe Photios 1er de Constantinople (IX°s), entre autres. Ctésias les décrit comme : 

« des ânes sauvages de la grandeur des chevaux, et même de plus grands encore. Ils ont le corps blanc, la tête couleur de pourpre, les yeux bleuâtres, une corne au front longue d’une coudée. La partie inférieure de cette corne, en partant du front et en remontant jusqu’à deux palmes, est entièrement blanche ; celle du milieu est noire ; la supérieure est pourpre, d’un beau rouge, et se termine en pointe.

On en fait des vases à boire. Ceux qui s’en servent ne sont sujets ni aux convulsions, ni à l’épilepsie, ni à être empoisonnés, pourvu qu’avant de prendre du poison, ou qu’après en avoir pris, ils boivent dans ces vases de l’eau, du vin, ou d’une autre liqueur quelconque. Les ânes domestiques ou sauvages des autres pays n’ont, de même que tous les solipèdes, ni l’osselet, ni la vésicule du fiel. L’âne d’Inde est le seul qui les ait.

Leur osselet est le plus beau que j’aie vu ; il ressemble pour la figure et la grandeur à celui du bœuf. Il est pesant comme du plomb et rouge jusqu’au fond comme du cinabre. Cet animal est très fort et très vite à la course. Le cheval, ni aucun autre animal, ne peut l’atteindre. »[20]

C’est ensuite Pline l’Ancien (I°s) qui, dans son Histoire Naturelle, décrit ce que l’on pourrait traduire par « monoceros » (du latin ūnicornis, is calqué sur le grec ancien μονόκερως / monókerōs : une seule corne) :

« La bête la plus sauvage de l’Inde est le monocéros ; il a le corps du cheval, la tête du cerf, les pieds de l’éléphant, la queue du sanglier ; un mugissement grave, une seule corne noire haute de deux coudées qui se dresse au milieu du front. On dit qu’on ne le prend pas vivant. »[21]

Plusieurs récits de voyages des XIIIe et XIVe siècles semblent confirmer l’existence des licornes aux confins orientaux du monde. Marco Polo, l’explorateur et marchant vénitien du XIIIème siècle fut l’un des rares à avoir rencontré ce « monocéros ». Il en a témoigné à travers ses récits de voyage. Même si l’on peut deviner dans ces mots une certaine déception. 

Extrait du chapitre CLXVII, « Ci devise de Java La Mineure » du Livre des Merveilles de Marco Polo : 

 » […] Ils ont maints éléphants sauvages, et assez d’unicornes, qui ne sont guère moins gros qu’un éléphant ; ils ont le poil du buffle, le pied comme celui de l’éléphant, une corne au milieu du front, très grosse et noire. Et vous dis qu’il ne fait aucun mal aux hommes et aux bêtes avec sa corne, mais seulement avec la langue et les genoux, car sur sa langue il a des épines très longues et très aiguës ?

Quand il veut détruire un être, il le piétine et l’écrase par terre avec les genoux, puis lui inflige les maux qu’il fait avec sa langue. Il a la tête comme sanglier sauvage, et la porte toujours inclinée vers la terre ; il demeure volontiers dans la boue et la fange parmi les lacs et les forêts. C’est une très vilaine bête à voir, et dégoûtante. Il n’est point du tout comme nous, d’ici, disons et décrivons, quand nous prétendons qu’il se laisse attraper par le poitrail par une pucelle. C’est tout le contraire de ce que nous croyons. »[22]

À lire cette description, il est très probable que ce fameux unicorne n’ait été en fait qu’un rhinocéros. 

Dans La licorne : de la légende à la réalité, paru dans la revue d’Histoire de la Pharmacie, Jean Savare compare la diffusion du mythe d’un animal unicorne aux « grandes invasions » de l’Antiquité, avant que ces mythes n’évoluent chacun de leur côté.

Réputée pour sa sauvagerie et sa force, la licorne en tant que cryptide ne craint que l’homme et le lion. Toujours selon lui, il est également fait référence dans le Talmud et la Bible à une créature dotée d’une seule corne qu’il fut impossible de faire entrer dans l’Arche de Noé. Elle aurait été attachée par sa corne au Navire. Plus tard, au Moyen-âge, la licorne deviendrait le symbole de Marie.

Cela apparut très tôt dans les Psaumes :

« Il existe une bête appelée en grec monocéros c’est-à-dire en latin unicornis. Le Physiologue dit que la nature de l’unicorne est la suivante : c’est un animal de petite taille, pareil à un chevreau, qui est vraiment très fougueux et a une corne unique au milieu de la tête. Et absolument aucun chasseur ne peut le prendre, mais on y parvient par le procédé suivant : on conduit une jeune fille vierge à l’endroit où il demeure et on la laisse seule dans la forêt. Aussitôt que l’unicorne voit la jeune fille, il bondit sur le giron de la vierge et l’enlace.

Et c’est ainsi qu’il est attrapé et montré dans le palais du roi. Il en va de même aussi de notre Seigneur Jésus Christ, unicorne spirituel, qui, en descendant dans le ventre de la Vierge, prit chair en elle, fut pris par les Juifs et condamné à mourir sur la croix. À ce sujet David dit : Et il est aimé comme le fils des unicornes [Ps. 28, 6] ; et à nouveau dans un autre psaume, il dit de lui-même : ‘Et ma corne sera relevée comme celle de l’unicorne.’ [Ps. 91.11]»[23]

Savare date la physiologie actuelle de la Licorne à l’émergence du symbolisme héraldique au Moyen-Âge [24]. La licorne prend alors dans l’imaginaire l’apparence d’un « pur-sang à la robe blanche, embelli par des vertus chevaleresques : puissance, courage, pureté, amour courtois. » Ensuite, selon lui, les Croisades auraient contribué à diffuser cette physionomie.

Les licornes étaient considérées au Moyen-âge comme des animaux purs, incarnant la modestie féminine.

Elles étaient aussi considérées comme des judas qu’il fallait éradiquer[25]. Elles devaient être attirées par des jeunes femmes vierges, puis transpercées par une lance. Il est donc ironique que ce soit la tapisserie de la Dame à la licorne qui décore la salle commune des Gryffondor, dans les films. J.K. Rowling a retranscrit l’ambiguïté historique de cet animal dans Harry Potter à l’école des sorciers. Lorsque Voldemort boit du sang de licorne, il n’a plus qu’une « demi-vie », une vie maudite. L’animal est tellement pur que boire son sang permet de survivre, mais plus de vivre.

En le portant à ses lèvres, Voldemort se condamne d’emblée à une éternité de souffrances.

C’est une réflexion profonde que nous livre J.K. Rowling sur le sens de la vie. Voldemort recherche l’éternité, car il a peur de la mort. Celui qui a peur de la mort, n’a-t-il pas aussi peur de la vie ? Il survit, au lieu de vivre. Cette saga nous apprend que seul l’amour sous toutes ses formes nous rend vivants. C’est la raison pour laquelle le sacrifice de Lily a pu protéger Harry Potter aussi longtemps. Son amour a marqué son sang et a agi tel un bouclier face au sortilège létal. De plus, Lily vit toujours à travers les pensées de Severus Rogue, lequel protégera Harry Potter en se sacrifiant. Ces sacrifices sont des ultimes expression de l’Amour absolu.

En effet, ils rappellent ceux du Christ ou de Socrate, l’un s’étant sacrifié pour sauver l’humanité, l’autre, pour protéger sa patrie et ses idées. Harry Potter, lui, accueille la mort comme une amie. Il a compris que la finalité de la vie n’était pas de demeurer éternel, mais de se sentir vivant auprès de ceux que l’on aime.

Au final, Voldemort a aussi peur de la mort qu’il a peur de l’Amour.

En plus d’être un symbole littéraire fort dans Harry Potter, les licornes sont aussi un objet d’étude en cours de Soins aux créatures magiques dans le tome 5. En cours de potion, les élèves utilisent aussi de la poudre de corne de licorne. Celle-ci est utile pour concevoir certaines potions parmi les plus puissantes. Même si l’on ne sait toujours pas officiellement comment les apothicaires et les potionistes peuvent se les fournir.

C’est au XIVe siècle que commencent à circuler de prétendues cornes de licorne, dont la poudre passait pour avoir des propriétés médicinales, notamment contre l’épilepsie et les poisons. Elle aurait aussi eu des vertus aphrodisiaques. En réalité, ce sont des dents de narval, dont le commerce a sans doute contribué à renforcer la légende, ainsi qu’à l’enrichissement du royaume du Danemark (dont l’Islande, où étaient pêchés les Narvals). Cette pêche intensive a aussi participé à la diminution du nombre d’individus[26]. 

Les nouvelles créatures fantastiques dans l’univers d’Harry Potter

Les créatures dans Harry Potter sont mythiques, ou carrément, créées. Wikipédia distingue d’ailleurs les créatures reprises des créatures inventées. En fait, la distinction est peut-être plus complexe et plus spécifique. Chaque créature aurait été reprise et réinventée, et quelques unes, complètement inventées. Les Détraqueurs, par exemple, sont le fruit de l’imagination de l’autrice. Ils symbolisent la mélancolie[27].

Lorsqu’ils s’approchent, tout devient sombre et glacial. Ils infligent un sort pire que la mort en aspirant l’âme de leur victime par un baiser létal. Ils sont donc métaphoriquement capables, comme l’est la dépression, de vous vider de votre essence. Pour J.K. Rowling, vivre sans âme est donc pire que de mourir.

La seule façon de vaincre ces créatures, et par conséquent sa tristesse, est de faire appel à ses souvenir les plus heureux. C’est le principe du Patronus : incarner ses joies sous forme d’animal totem pour lutter contre ses peines. En chacun de nous résiderait donc suffisamment de lumière pour foudroyer ces ténèbres qui nous oppressent et laisser resplendir les flammes intérieures qui nous animent.

Les sombrals : un exemple de mythe détourné et réinventé dans Harry Potter

Les sombrals (Thestrals) sont des chevaux ailés noirs. Ils sont squelettiques, comme dépourvus de chaire. La physionomie de leur tête tient à la fois du dragon et du cheval. Ils ont des ailes semblables à celles des chauves-souris. On ne peut voir les Sombrals que si l’on a été confronté à la Mort. Cette créature composite a une fonction esthétique, car elle est stylisée. Ses os apparents, sa noirceur, ou ses ailes effrayantes sont autant d’attributs qui réfèrent à la Mort. Ainsi, Harry ne les remarque-t-il pas avant le cinquième tome, puisqu’il a vu Cédric mourir dans le tome précédent.

Certains prétendent qu’il est illogique qu’Harry Potter ne le voit pas plus tôt étant donné que ses parents sont morts, et qu’il a tué Quirell.

Cependant, le site Pottermore précise que la personne qui peut voir les Sombrals doit avoir ressenti la Mort sur le plan émotionnel et achevé son deuil[28]. Cela exclut donc les jeunes enfants, mais aussi, la perte d’un professeur qui portait Voldemort en lui. Enfin, nous l’espérons. En outre, Harry Potter n’a jamais complètement fait le deuil de ses parents. Pourquoi, sinon, les aurait-il contemplé dans le miroir du Risèd ? Pourquoi les aurait-il vu lors de son duel avec Voldemort dans le quatrième tome ? Ou dans le dernier ? Les parents d’Harry Potter ne l’ont jamais vraiment quitté, car Harry n’en n’a jamais fait le deuil. Voir les Sombrals, c’est accepter de voir la mort en face, dans toutes ses dimensions. C’est un passage obligatoire vers l’âge adulte.

Comme le disait Montaigne, Harry Potter apprend à vivre, car il apprend à mourir. La première étape de ce cheminement est d’accepter de voir la mort en face, c’est-à-dire, de faire le deuil d’autrui. En acceptant de laisser partir ceux que l’on aime, nous acceptons notre condition d’être mortel. L’étape suivante est d’apprendre à accueillir la Mort « comme une amie ».

C’est que nous enseigne le Conte des Trois Frères, lesquels représentent respectivement Voldemort, Severus Rogue et Harry Potter.

Voldemort désire devenir le plus puissant des hommes, mais aussi, dominer la Mort. Sa grandiloquence et son orgueil le condamneront. Severus Rogue voudrait que la femme de sa vie, Lily, ne soit jamais morte. Il finira par comprendre qu’il est impossible de ramener les Morts à la vie, tel Orphée qui perdit Eurydice dans les Enfers. Quant à Harry Potter, il se cachera de la Mort, avant d’accepter de l’embrasser, et de sacrifier pour ses amis. C’est là tout l’enjeu du dernier tome, et de sa confrontation avec Voldemort dans la forêt. En croyant le tuer, Voldemort s’assassine lui-même. Harry Potter accepte de laisser cette partie de lui-même s’échapper. En chacun nous demeure un rêve de puissance, de gloire et d’immortalité. C’est en apprenant à laisser mourir ce rêve, et en acceptant d’accueillir la Mort, que nous pouvons pleinement vivre parmi ceux qui nous sont chers.

C’est en apprenant à laisser mourir ce rêve, et en acceptant d’accueillir la Mort, que nous pouvons pleinement vivre parmi ceux qui nous sont chers.

Finalement, les Sombrals sont des images marquantes et fortes, une représentation de notre condition mortelle. Ces chevaux sont en fait des pégases, mais des pégases infernaux.

J.K. Rowling a réutilisé ce mythe dans Harry Potter, mais en le renversant. On a donc une impression de déjà-vu, mais aussi, une sensation de nouveauté et de modernité. En effet, ces chevaux seront utilisés dans le cinquième tome lorsque les les élèves de Poudlard s’enfuiront vers le ministère de la magie, ce qui n’est pas sans rappeler le célèbre mythe grec de Pégase.

Le nom de Pégase vient du grec ancien πηγή / pêgế, qui signifie « source » ou « fontaine ». Il était associé à de nombreuses sources dont celles d’Hippocrène qui aurait jailli sous ses sabots. Pégase est né suite au viol de Méduse, jeune femme qui déclama haut et fort qu’elle était plus belle qu’Athéna. Poséidon, ébloui par sa beauté, la pourchassa et la prit de force dans un temple dédié à la déesse de la guerre. Pour se venger, Athéna la transforma, elle et ses trois sœurs en gorgones, des monstres dont les cheveux étaient des serpents. Méduse fut affublée d’une malédiction supplémentaire : elle transformerait en pierre quiconque croiserait son regard glacial.

Défaite par Persée, elle mit au monde Pégase au moment où elle expira son dernier souffle, la tête tranchée par le héros[29]. 

Ensuite, Pégase fut chevauché par le héros Bellorophon. Bellorophon le dompta avec l’aide de la déesse Athéna, qui lui donna un mors en or. Grâce à Pégase, le héros vainquit la chimère, un monstre terrifiant. Chimère était la fille de Typhon et Echidna. Sa tête était celle d’un lion, son corps celui d’une chèvre, et sa queue celle d’un serpent. Aujourd’hui, l’on connaît notamment ce nom par une antonomase, une figure de style qui permet de transformer les noms propres en noms communs. Une chimère désigne en effet un projet irréaliste, une utopie. Finalement, en faisant référence à ce mythe, l’autrice nous transmet l’image des héros qui affrontent les idées fantasques et machiavéliques du Seigneur des Ténèbres. Par extension, pouvons-nous et devons-nous considérer les Mangemorts comme des chimères ?

La question reste ouverte. D’autres mythes, tels celui du loup-garou ou du Sinistros, ont savamment été détournés et réinventés. Ceux-ci ont la particularité d’être rattachés à deux personnages qui représentent une figure paternelle pour le héros : Rémus et Sirius.

Le Sinistros : les chiens noirs maudits 

Le Sinistros de Rowling est tiré d’anciennes légendes des îles britanniques : les Chiens Noirs. Créatures des grands chemins, ils sont réputés pour annoncer les morts imminentes et les catastrophes. Animal spectral aux yeux rouges brillants, aux griffes aiguisées et aux longues crocs, il est également bien plus grand que les chiens ordinaires. Il existe plusieurs versions du mythe, et nous allons ici nous attarder sur deux versions galloises.

Tout d’abord, le Gwyllgi (chien noir des ténèbres), mythe que nous retrouvons principalement au nord de la principauté[30], un chien des enfers au service du Roi du monde des morts Arawn.

Étrangement, ce dernier, qui est un chien blanc, se rapproche le plus du Sinistros car il ne fait pas qu’annoncer la mort. Il l’emmène avec lui. Malgré sa couleur différente, il porte le même message que le son comparse potterien, le rouge et le blanc étant respectivement pour les celtes les couleurs de la mort et du surnaturel[31].

Le Chien Noir était également un gardien des tombes. Toutefois, il n’était pas rare que son rôle soit aussi celui d’un gardien de trésors. D’ailleurs, des chiens pouvaient chez les celtes être sacrifiés pour garder les tombeaux se trouvant au bord des routes[32]. 

Il n’est pas compliqué d’établir ici un parallèle entre le Sinistros et Sirius Black, l’un des personnages ayant le moins de chance. Son apparence de chien noir lui a porté malheur. En effet, la mort ne lui est pas apportée directement, mais progressivement.

Sirius est le personnage de la saga né sous le signe du malheur. En entrant à Gryffondor, il se fait rejeter par sa famille.

Puis, le frère qu’il s’est choisi pour remplacer celui qui l’a rejeté, James Potter, meurt des mains de Voldemort. Emprisonné à tort, il n’est pas capable de s’occuper de son filleul orphelin et passe douze ans au contact des Détraqueurs, perdant une partie de sa raison. Alors que l’espoir du bonheur s’illumine au contact de Harry Potter après la capture de Queudver, ce dernier s’échappe le condamnant de nouveau à l’errance.

Au final, il meurt sous les yeux de Harry Potter, tué par sa propre cousine.

Le rapport de Sirius Black à ses compagnons canidés n’est pas seulement la cause de sa capacité à se transformer en Animagus. Son nom aussi est très intéressant à analyser. Sirius est le nom d’une étoile de la constellation du Grand Chien. Il existe trois versions de l’origine mythique de cette constellation. Nous allons nous concentrer sur une en particulier qui a probablement dû inspirer J.K. Rowling. Dans la mythologie grecque, Sirius est le fidèle chien du chasseur Orion, un géant arrogant, violent et colérique. Tantôt amoureux désespéré, tantôt ennemi mortel de la déesse Artémis. Quoiqu’il en soit, après sa mort, les dieux envoient son image dans les étoiles accompagné de ses fidèles chiens Procyon (étoile la plus brillante du Petit Chien) et Sirius (étoile la plus brillante en dehors de notre Soleil)[33].

En quoi cette légende nous intéresse-t-elle ?

Orion est le second prénom de Sirius Black. De son nom complet Sirius Orion Black III, il est le fils de Orion Black et la fierté de ses parents… jusqu’à son entrée à Poudlard et son placement à Gryffondor. En enfreignant les règles, en devenant un de ces sorciers amis des Nés-Moldus que sa famille méprisait, il a échappé à son destin tout tracé et a engendré un bug dans la matrice, créé un élément du chaos, symbolisé par sa proportion à réaliser des farces mettant parfois en danger la vie d’autrui. Nous en revenons une fois de plus à la mort, colportée par le Sinistros.

Sirius Black devient le premier personnage majeur à mourir dans la saga, et avec lui, c’est un second père qui disparaît pour Harry. Le premier personnage d’une longue liste. Tel un Sinistros, Sirius est également un gardien de trésor pour Harry : celui du souvenir de ses parents. Il est également un gardien du savoir. En effet, lui seul aurait su qui était RAB. Petit fun-fact, Padfoot, surnom de Sirius, est le nom d’un Chien noir veillant sur les jeunes enfants que les parents laissent vagabonder à leur guise. Son rôle est de menacer lesdits contrevenants et les forcer à veiller sur ces enfants[34]. 

La dualité des créatures fantastiques réinventées et détournées se retrouve majoritairement dans une autre figure : celle des Loups-garous.

Loup-Garou : la figure des frères ennemis 

Dans un article de l’Information Psychiatrique paru en 2009, Luisa Weber et Alexandre Baratta, respectivement neuropsychologue et psychiatre, reviennent sur l’origine du mythe du Loup-Garou[35]. 

Les deux chercheurs ont en effet relevé une première apparition du mythe d’homme transformé en animal dans l’Ancien Testament où le roi Nabuchodonosor qui se retrouve transformé non pas en dinosaure comme pourrait le laisser penser son nom mais en bœuf durant 7 jours.

« On te chassera du milieu des hommes, tu auras ta demeure avec les bêtes des champs, on te donnera comme aux bœufs de l’herbe à manger; et sept temps passeront sur toi, jusqu’à ce que tu saches que le Très-Haut domine sur le règne des hommes et qu’il le donne à qui il lui plaît.…»[36]

Au Ve siècle, des récits attribués à Hérodote évoquent des hommes de la Mer Noire capables de se transformer en loup par un rituel magique[37]. Légende qui se répandra aussi longtemps et aussi loin que les écrits de l’historien grec. C’est d’ailleurs du grec ancien λυκάνθρωπος / lykánthrôpos (de λύκος / lúkos, « loup », et ἄνθρωπος / ánthrôpos, « homme ») que né le terme de lycanthrope, Homme Loup. Le mythe prend la forme d’une malédiction dans les écrits d’Ovide. Il y raconte la légende du roi Lycaon maudit par Zeus pour avoir servi au Dieu de la chair humaine lors d’un banquet. Le Dieu des Dieux le punit en le transformant en une bête féroce mi-homme, mi-loup.

C’est à partir de là qu’il semble devenir une créature bipède, à mi-chemin entre les deux états :

« Je donne des signes du caractère divin de ma venue et le peuple commence à m’adresser des prières. Tout d’abord, Lycaon se moque de ces marques de respect religieux puis il s’écrie: « je vais bien voir, par une épreuve déterminante, si c’est un dieu ou un mortel. La vérité sera indiscutable. »

Pendant la nuit, dans mon profond sommeil, il se prépare à me surprendre et à me donner la mort. Voilà par quelle épreuve il lui plaisait de connaître la vérité ! Mais cela ne lui suffisait pas: de son épée, il coupe la gorge à un des otages envoyés par le peuple des Molosses. Ensuite dans de l’eau bouillante il ramollit une partie de ses membres encore palpitants et l’autre partie, il la fait rôtir sur le feu. A peine les avait-il posés sur la table que, de ma foudre vengeresse, j’ai renversé sur lui sa maison, demeure digne d’un tel maître !

Épouvanté, il s’enfuit ; parvenu dans la campagne silencieuse, il se met à hurler et il s’efforce en vain de parler. Toute sa rage se concentre dans sa bouche. Sa soif habituelle de carnage se tourne contre les troupeaux. Maintenant encore, il se complaît dans le sang. Ses vêtements se changent en poils, ses bras en jambes. Il devient un loup et conserve encore des traces de son ancienne apparence : même couleur claire de poils, même air farouche, mêmes yeux ardents; c’est toujours la même image de férocité. » Ovide, Les Métamophoses, I, Lycaon [38]

Durant le Moyen Âge, l’Église récupère les récits antiques. Elle fait du lycanthrope une créature diabolique car l’action d’un homme se transformant en loup devient un acte d’hérésie. Saint Augustin évoque la lycanthropie dans La Cité de Dieu comme étant l’œuvre de Satan[39]. Le terme Loup-Garou apparaît lui au XII°s sous la forme « Leu-Garou ». Cependant, c’est au XVI°s que la France va connaitre une grande vague de lycanthropie, allant de paire avec les grands procès de l’Inquisition pour Sorcellerie, avec des juges spécialisés dans le traitement de ces cas.

Quelles conclusions pouvons-nous en tirer ?

Dans Harry Potter, le loup-garou a aussi ce rôle antagoniste. Inutile de vous présenter la figure de Fenrir Greyback, qui a transformé Lupin et Bill Weasley. Le loup-garou Mangemort était certainement prédestiné à son destin funeste à cause de son nom. Dans la mythologie scandinave, Fenrir est l’un des enfants bestiaux de Loki et de la Jotünn Angrboda.

Snorri Sturlusson évoque dans son Edda le loup géant, prédestiné à être le meurtrier de Odin durant le Ragnarök. Afin de retarder la prophétie, les dieux le piègent et l’enchaînent, une épée plantée dans le museau, jusqu’à la grande bataille où il se libérera et déchaînera sa fureur sur Odin. Le Dieu avait ordonné son emprisonnement.

Ce déroulement n’est pas sans rappeler la prophétie auto-réalisatrice annonçant la naissance du Survivant. Si Voldemort n’avait pas à ce point cherché à se débarrasser de Harry, il n’aurait pas été détruit. Il n’aurait pas fait d’Harry un Horcruxe, lui donnant alors la capacité et la volonté de le tuer. 

Mais à toute généralité, il y a son exception. Remus Lupin est à l’opposé même de Fenrir Greyback. L’homme est bon, doux, mais semble difficilement maintenir l’équilibre entre une dépression due à sa condition et le désir d’une vengeance animale qui semble l’habiter depuis le décès des Potter.

Nous ne pouvions pas parler de Remus Lupin sans évoquer celui qui doit avoir certainement inspiré J.K. Rowling, le mythique roi de Rome, Remus.

Nés de Mars et d’une Vestale, Remus et son jumeau Romulus sont les rois fondateurs de Rome. Jetés dans le Tibre car leur mère avait rompu son vœux de chasteté, les deux nouveau-nés auraient été recueillis par une louve qui les aurait allaités. Cette image restera un des symboles de Rome, frappée sur la monnaie, gravée sur les monuments ou même coulé dans le bronze. Tite-Live et Plutarque[40] reviennent sur cette version du mythe en rappelant que Lupa signifie non seulement louve, mais également prostituée. En effet, d’après les sources antiques, la mère adoptive de Rémus et Romulus aurait été une fille de joie. Remus et Romulus se disputeront plus tard les faveurs des Dieux, jusqu’à s’entre-tuer. Remus trouvera la mort, Romulus deviendra le premier Roi de Rome.

Dans Harry Potter, le Remus de Rowling a lui aussi trouvé son Romulus en la personne de Peter Pettigrow. Tel les deux fondateurs de Rome, les deux amis, presque frères, deviennent ennemis et cherchent à s’entre-tuer, l’un par vengeance et l’autre par pure soumission à son maître. 

Il n’est pas impossible qu’un dossier spécial Loup-Garou face son apparition un jour sur la Revue de la Toile. En attendant, nous allons nous recentrer sur les centaures.

Les centaures, des créatures pédagogues 

Les centaures (Κένταυροι/Kentauroi) sont issus de la mythologie grecque. Il existe plusieurs type de centaures, et nous allons ici parler de ceux apparaissant dans la saga.

Les centaures sont une tribu d’êtres à moitié humains et à moitié équidés, originaire des montagnes de Thessalie, en Grèce. Cette race primitive et sauvage vivait dans des cavernes, se nourrissant de leur chasse. Ils étaient armés de branches et de pierres. Selon la tradition la plus populaire, les centaures descendent de Centauros, fils du roi Ixion et de la nymphe des nuages Néphélé. Si on ne connaît pas l’apparence que prit Centauros, il est décrit par le poète Pindare comme un être violent et cruel, à l’image de sa conception. En effet, Zeus avait donné à Néphélé l’apparence d’Héra, car celle-ci lui avait fait part de la tentative de viol d’Ixion à son encontre. La ruse réussit et Ixion à la nymphe Néphélé qui donna naissance aux centaures[41].

« Cette étrange mère, dit Pindare de Néphélé, unique dans l’univers, produisit un fils qui dans la nature n’avait pas son semblable. Monstre féroce, les Grâces ne présidèrent point à sa naissance, et il fut avec dédain repoussé par les hommes et flétri par les lois divines. Centaure (c’est le nom que lui donna sa mère) se mêla dans les vallées du Pélion aux cavales de Magnésie. De cette union sortit un peuple d’enfants merveilleux qui ressemblaient à leur mère par le bas du corps, par le haut à leur père »

Charles Daremberg et Edmond Sanglio, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines[42].

Ivrognes, prompts à la violence, sanguinaires, kidnappeurs et violeurs, les centaures ne sont pas les créatures les plus fréquentables de la mythologie grecque. Toutefois, à chaque conflit les impliquant contre des humains, et qu’ils provoquent la plupart du temps, les centaures sont les perdants.

Bien entendu, cette règle connaît ses exceptions :

  • Pholos, fils d’un satyre et d’une hamadryade et ami de Héraclès ;
  • Chiron, fils du titan Chronos et de l’océanide Phylira, ou de la nymphe Naïs ou encore de la Princesse Philomène, qui est un sage et le tuteur des plus grands héros.

Le point commun de ces personnages est leur naissance. Aucun ne descend de Centauros et n’a hérité de sa violence. Ils sont connu pour être des êtres civilisés et sages qui n’ont aucun problème à être au contact des hommes.

Mais qui sont les centaures dans Harry Potter ?

Les Centaures vivent en communauté. Le personnage principal, et par extension, le lecteur, les croise pour la première fois lorsque Voldemort tente de s’en prendre à Harry dans la forêt interdite. Alors que Voldemort boit du sang de licorne, Firenze (Florence en français) surgit. Il protège Harry du Seigneur des Ténèbres en le chassant. Puis, Firenze porte Harry sur son dos et le questionne.

Il joue, tel Chiron, le rôle de mentor en amenant notre héros à réfléchir. Que faisait Voldemort ? Pourquoi buvait-il le sang d’une licorne ? Que cache Poudlard ? Grâce à la sagesse de Firenze, Harry comprend les intentions de son ennemi juré. Toutefois, deux autres centaures, Ronan et Bane, se disputent avec Firenze. En effet, celui-ci n’est pas censé guider le survivant dans sa quête initiatique. Ronan défend l’attitude de Firenze, tandis que Bane la condamne. Dès lors, le centaure nous apparaît comme une figure rebelle. 

Les Centaures : contre pouvoir du tyran académique

Lorsque Dolorès Ombrage réussira à révoquer partiellement le professeur Trelawney de son poste de divination, Dumbledore proposera à Firenze de prendre sa suite. Les centaures semblent directement liés aux étoiles et aux arts divinatoires, une habilité qui leur est propre dans l’univers de J.K. Rowling. Cependant, les centaures considèrent qu’ils ne doivent pas interférer dans les événements que les astres ont déterminés. Aussi, Firenze est-il banni de sa communauté en acceptant d’enseigner à Poudlard. Il est même attaqué par d’autres centaures, blessé gravement. Il réintégrera sa communauté après la bataille de Poudlard à laquelle il aura participé avec les honneurs.

Le plus intéressant dans le traitement de ces personnages est le sort que ces créatures ont réservé à Dolores Ombrage. En effet, dans l’un des mythes grecs originels, Chiron, le mentor des héros, se fait tuer par Hercule. Dans Harry Potter, ce sont les centaures qui vont poursuivre et blesser Dolores Ombrage. Pour comprendre quel impact symbolique cette action a dans le récit, nous allons analyser plus en profondeur ce que représente Ombrage.

Dolores Ombrage incarne la tyrannie de la bureaucratie ministérielle infiltrée dans les établissements scolaires.

Elle édicte des règles restrictives pour la liberté des enseignants et des élèves, tout en réussissant à instaurer un climat de délation digne des meilleures heures de la seconde guerre mondiale. Diviser pour mieux régner, aurait pu être un adage que Dolores Ombrage aurait inventé. Grâce au concours du Ministère de la Magie, elle prend peu à peu le pouvoir au sein de Poudlard.

Elle décide à partir de critères purement administratifs et fondés sur des flatteries à son égard, qui est un bon enseignant, qui est un mauvais. Idem pour les élèves. Elle incarne parfaitement le harcèlement institutionnalisé des ministères, qui imposent leurs lois au détriment de l’éthique. Dolores Ombrage est raciste envers les hybrides et pro sang pur, et elle déteste les enfants. Elle a obtenu ce poste à force de flagorneries à l’égard de ses supérieurs, et non parce qu’elle avait le profil idéal.

Elle est l’archétype de l’arriviste narcissique, qui s’est hissée en haut de la pyramide sociale non par ses compétences, mais grâce à de basses manipulations.

La méritocratie administrative, que nous retrouvons aussi représentée par Lucius Malefoy et ses complices. A travers Dolores Ombrage, ce n’est pas le système scolaire, ni même l’administration, qui sont décriés, mais bel et bien leur perversité. Elle réussit à détruire des carrières, expulser de bons enseignant-e-s, mettre en périls de bon-ne-s élèves, et rendre invivable et dangereux l’endroit dans lequel les enfants devraient pouvoir se sentir en sécurité. Harry en fera les frais en se faisant torturer à plusieurs reprises. Dès les premières heures de cours avec Dolores Ombrage, les adolescents étudient des théories dans des vieux livres, et n’appliquent nullement les sortilèges. Au passage, Harry et ses amis soulignent l’inutilité de ces derniers. C’est non seulement le contenu des programme, inadapté à la réalité et au quotidien des élèves, mais aussi la façon dont le Ministère édicte l’enseignement qui sont critiqués.

En outre, les nombreuses inspections des cours sont une satire de la réalité : les enseignants ne sont pas jugés d’après leur pédagogie, mais sur des critères purement administratifs. Ces inspections, à l’image de Dolores Ombrage, sont cassantes, psychorigides et insensées. Le sort de Dolores Ombrage à la fin du cinquième tome est donc bien ironique, puisqu’elle se fait piétiner par des centaures. J.K. Rowling a en fait réemployé le mythe d’Hercule en le renversant : ce sont les centaures, figure de la pédagogie, qui finissent par blesser les mauvais professeurs. Et non les mauvais élèves, tel Hercule le fit avec Chiron.

Les Gobelins, des créatures qui servent à dénoncer la ségrégation 

Quelque chose nous a toujours interpellé concernant le cas des Gobelins dans l’Histoire de la Magie. À chaque fois que leur histoire est mentionnée, c’est uniquement au travers des Révoltes Gobelines que les sorciers ont superbement perdues, depuis que les mondes Moldus et magiques ont été séparés.

Les sorciers ont peur des soulèvements. Ils ont peur de voir l’histoire se répéter sans pour autant faire en sorte de l’éviter. Les Gobelins ne semblent pas être en bons termes avec les eux : Hagrid dit d’ailleurs à Harry de s’en méfier dans le premier tome. Bill Weasley est certainement l’un des rares sorciers à avoir une entente cordiale avec les Gobelins, au point où Molly semble plus redouter son travail en Égypte que celui de Charlie auprès des dragons en Roumanie. 

Il est très intéressant de constater le manque d’intérêt que portent les sorciers à l’Histoire et aux révoltes passées.

Il s’agit une part très sombre de l’Histoire où les sorciers ne se sont pas illustrés par la Gloire et la Victoire de valeurs morale. Ils avaient en effet tenter de réaffirmer leur suprématie raciale sur une race de créatures humanoïdes, plus intelligentes qu’eux. Créatures qui détiennent les banques et donc, une puissance économique considérable. Ces affrontements ne sont pas sans rappeler les heures les plus sombres de notre propre Histoire durant lesquels des peuples se sont détruits d’après des idéaux divergents, dans le but de se rendre supérieurs à l’autre, tout en s’accaparant leur puissance. 

Rowling a écrit son récit avec une grande intelligence car si l’on sous-entend la fascination du professeur Binns pour les Révoltes gobelines, on ne l’entend pas officiellement prendre parti dans les débats. Comme si il ne faisait que relater les fait et non par les interpréter. D’où l’ennui qu’il suscite chez ses élèves.

Cette utilisation du mythe et des combats des créatures magiques pose la question de la liberté et de la servitude, de la civilisation et de la vie « sauvage ».

Nous constatons que les créatures de type « humanoïde », comme l’autrice les a définies elle-même, ne sont pas toutes intelligentes ou civilisées. Hagrid, le demi-géant, est tout à fait civilisé, mais son frère, le géant Graup, vit dans la forêt, enchaîné à un arbre, comme un animal.

En outre, autour de ces créatures gravitent des revendications politiques. J. K. Rowling prouve ainsi qu’il y a une liberté conquise et une autre à conquérir. Elle invite le lecteur à se questionner. Qui est l’égal de l’autre ? Qui est l’Homme et qui est la créature si l’Homme assujettit la créature ? 

L’autrice affirme dans le documentaire de Nicky Pattison[43] que son univers magique est le reflet du monde réel dans un miroir déformant.

Harry Potter n’est pas un monde merveilleux où tout est possible, tout est inventé. Il est empreint d’un réalisme : et le rapport entre l’Homme et le monde se retransmet dans le rapport des sorciers aux créatures magiques. Souvent, les créatures magiques sont des hommes déformés, ou monstrueux. Cette théorie a été développée par Todorov. Dans Introduction à la littérature fantastique[44], Todorov explique que le mythe des vampires renvoie par exemple à un fantasme sexuel. Ce serait le reflet que l’Homme entretient avec la partie la plus sombre qu’il possède en lui-même. Elle pourrait aussi lui renvoyer la plus lumineuse.

En effet, si les créatures sont porteuses de nos désirs les plus sombres, elles sont aussi, de par leurs actes, pour certaines, révélatrices de la lumière qui est en nous. Les personnages et les créatures d’Harry Potter reposent sur ce tandem : elles sont à la fois risibles et tragiques, lumineuses et sombres, pathétiques et grandes. Dobby, par exemple, se mouche dans sa taie d’oreiller, mais combat aussi pour la liberté. Entre la caricature et l’éloge, les créatures oscillent toujours entre deux côtés : celui du bien, et de la facilité. Reste pour le lecteur un enseignement moral à en tirer.

Qu’est-ce qui nous distingue des animaux ? Qu’est-ce qui fait de nous des êtres libres ? Qui est le sauvage, qui est le civilisé ? Quelle est la part ordinaire et celle extraordinaire en chacun de nous ? Laquelle prend le dessus sur l’autre, et laquelle fait de nous des êtres civilisés ? Qui est un monstre : celui qui rejette l’autre, comme Ombrage, ou celui qui en a le visage, comme Dobby ? 

Dobby, une incitation à la rébellion 

L’elfe de maison, une allégorie de la liberté

Le nom « Dobby » n’est pas anodin. D’après la folkloriste du début du XIXème siècle Elizabeth Mary Wright[45], Dobby est également une créature du folklore britannique. Elle est principalement présente dans le Lancashire et le Yorkshire. Dobby appartient à la grande famille des Hobgobelins avec le Bauchan (Écosse) et le Bwbach (Pays de Galles). Le nom désigne peut-être un gobelin sautillant (Hob signifie sautillant en gallois) ou gobelin du foyer (Hob qui dénote le foyer en anglais). Les Dobbys sont donc des créatures serviles. Néanmoins, le Dobby reste une créature espiègle et amicale jusqu’à ce que la famille auprès de qui il s’installe ne se décide à déménager pour le fuir. Il la suivra alors de maison en maison, se rattachant ainsi plus à la famille même qu’à la demeure, tout comme le Dobby de J.K. Rowling.

Un autre Hobgoblin connu est Puck, personnage majeur de la comédie Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare. Cet artiste a également mis en scène un autre personnage fort, dans son opposé tragique, Le Conte d’hiver : Hermione.

Le mythe, et plus particulièrement les luttes engagées par Dobby pour la liberté, est une façon d’affirmer que le monde actuel est ténébreux. Qu’il faut lutter contre les oppressions, qu’elles soient politiques ou morales.

Le mythe n’est alors pas un rappel à l’ordre, mais au contraire, une incitation à la réflexion et à la rébellion. Quand le héros se rebelle et refuse de vivre sous les contraintes ou sous le poids de la fatalité, c’est alors qu’il embrasse pleinement sa destinée tragique. C’est à ce moment qu’il tente de faire et de créer un monde ou une vie meilleure.

Dobby, pourtant, mourra à cause de son combat. Il sera tué par Bellatrix Lestrange dans le septième tome, alors qu’il aide Harry Potter à échapper à Lord Voldemort. Sa lutte ne sera pas vaine. Dobby est une figure doublement mythique : de par son statut d’elfe, créature démythifiée mais originellement mythologique, et par son combat tragique pour la liberté. Ce dernier n’est pas s’en rappeler celui d’Antigone ou d’Electre. Le mythe n’est ici pas utilisé comme un motif tragique.

Il est un rappel au désordre, et améliorations qui peuvent en découler, comme l’affirme Michel Tournier[44]:

A quoi servent Tristan et Iseut ? […]

Ces héros maudits, ces révoltés qui n’incarnent chacun un aspect de la condition humaine qu’à la façon dont un bouc émissaire se charge d’un péché, qui osera prétendre que, s’ils vivent en nous, c’est pour nous aider à mieux nous intégrer dans le corps social ? La passion adultère de Tristan et Iseut, le pacte avec le diable de Faust, […] autant de façons au contraire de dire non à la société, de briser l’ordre social.


[…]

L’homme n’est pas l’animal. Il a la faculté de regimber contre son milieu et de le modifier pour le plier à ses exigences, au lieu de se plier lui-même aux siennes. Ainsi, la fonction des grandes figures mythologiques n’est sûrement pas de nous soumettre aux « raisons d’État » que l’éducation, le pouvoir, la police dressent contre l’individu, mais tout au contraire de nous fournir des armes contre elles. Le mythe n’est pas un rappel à l’ordre, mais bien plutôt un rappel au désordre.

La société ne dispose que de trop de contraintes pour niveler les aspirations divergentes de ses membres. Un danger mortel la menace : celui de glisser vers l’organisation massive et figée de la ruche ou de la fourmilière. Ce danger n’est pas théorique. Il est facile de citer dans le passé et dans le présent nombre de nations où un ordre tyrannique a écrasé tout jaillissement créateur individuel.


[…]

L’homme est ainsi constitué que, si on lui retire la faculté de dire non et de s’en aller, il ne fait plus rien de bon. Les grands mythes sont là, croyons-nous, pour l’aider à dire non à une organisation étouffante. Bien loin d’assurer son assujettissement à l’ordre établi, ils le contestent, chacun selon un angle d’attaque qui lui est propre.

Michel Tournier, Le vol du vampire, Gallimard, 1983 [46]

Conclusion :

Les mythes sont donc nombreux, croisés, mélangés, et recréés ou inventés. J.K. Rowling a su réinventer des créatures et en faire des individus à part entière, intégrés ou non à une société, dotés d’une psychologie qui leur est propre. Elle a réussi à créer sa propre mythologie. La part de recréation et de création est importante car les créatures sont des entités sociales et politiques, des personnages, des individus à part. Toutefois, elles ont conservé les particularités qui les rendaient si spéciales dans l’imaginaire folklorique.

Les mythes nous parlent à tous, non seulement parce qu’ils sont universels, mais aussi parce qu’ils nous permettent de mieux nous comprendre en tant qu’Hommes. Si le roman d’Harry Potter n’avait pas été bercé par ce fond mythologique, aurait-il connu le même succès, et surtout, serait-il reconnu aujourd’hui ? Le mythe ajoute une dimension à un écrit : celle de la légitimité. Créer un roman à partir de mythes est comme composer un morceau de musique : grâce à la reprise des notes, du rythme, de la prosodie pour écrire des paroles, on peut faire quelque chose de connu mais d’étranger, d’ancien et de moderne, et faire sonner cette petite note qui toujours résonne dans le creux de l’oreille.

Nous dédions cet article à David Legeno, interprète de Fenrir, mort dans la Vallée de la mort.

Rédigé par Justine Frugier et Tsilla Aumigny, relu par Margot Dupont

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[1] Carine Claude, « Harry Potter, cet incompris, au programme de Sciences Po », lexpress.fr, publié le 3/10/2013 à 10h33 : http://www.lexpress.fr/culture/livre/harry-potter-cet-incompris-au-programme-de-sciences-po_1287527.html

Sources sur la sorcellerie :

[2] Pline l’Ancien, Histoire naturelle Livre XXV, Les Belles Lettres, Paris,

[3] Michel Pastoureau, Bestiaires du Moyen Âge, éditions du Seuil, Paris, 2011

[4] Jean-Patrice Boudet, « La genèse médiévale de la chasse aux sorcières : jalons en vue d’une relecture », dans Nathalie Nabert (dir.), Le mal et le diable : leurs figures à la fin du Moyen Âge, Paris, Beauchesne / Faculté des lettres, Université catholique de Paris, coll, « Cultures & christianisme » (n°4), 1996, 274 p.

[5] 5 ans d’étude en fac de Lettres 😉

[6] British Museum, A Catalogue of the works of Linnaeus (and publications more immediately relating thereto) preserved in the libraries of the British Museum (Bloomsbury) and the British Museum (National History) (South Kensigton), British Museum (Natural History), Londres, 1933 ; réimpr. Martino Fine Books, Mansfield, s.d., 246-65-59 p.

[7] S.Alexandrian, Histoire de la philosophie occulte, Payot, coll. Petite bibliothèque Payot, 5/11/2008, 551p.

[8] Madame de Sévigné, Lettres choisies, Editions du groupe « Ebooks et Livres Gratuits », Ed. Sainte-Beuve, publiées par Garnier Frères, 1923, 326 p. à consulter en ligne : http://www.crdp-strasbourg.fr/je_lis_libre/livres/Sevigne_LettresChoisies.pdf

[9] 5 ans d’études de Lettres bis 🙂

[10]« A careful examination of the games will quickly reveal that the major influences are Robert E. Howard, L. Sprague de Camp and Fletcher Pratt, Fritz Leiber, Poul Anderson, A. Merritt, and H.P. Lovecraft. » Entretien avec Gary Gygax dans (en) « On the influence of J.R.R. Tolkien on the D&D and AD&D games », Dragon, no 95,‎ , p. 12–13.

[11] J. R. R. Tolkien (trad. de l’anglais par Daniel Lauzon, ill. Alan Lee), Le Seigneur des Anneaux [« The Lord of the Rings »], vol. 1 : La Fraternité de l’Anneau, Christian Bourgois, 2014, 2268-3 ed. (1ère ed., 1954), 515 p.

[12] J.K. Rowling, Les Animaux Fantastiques, Gallimard Jeunesse, Paris, 29/08/2001, 96 p.

Sources sur les Géants :

[13] Transcription de l’interview de J.K. Rowling, The Connection (WBUR Radio), le 12 octobre 1999, sur le site : https://www.encyclopedie-hp.org/monde-magique/sorciers/rubeus-hagrid/ et Interview de J.K.Rowling sur les créatures fantastiques :
http://www.accio-quote.org/articles/2000/1000-cbc-rogers.htm

[14] De Lutri, Joseph R. (1975). « Montaigne on the Noble Savage: A Shift in Perspective. » The French Review, Vol. XLIX, No. 2, p, 206-211 ; Zalloua, Zahi Anbra. (2005). Montaigne and the ethics of scepticism, Virginia: Rookwood Press, p,113.

[15] François Rabelais, Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, n°15, Ed. de Mireille Huchon avec la collaboration de François Moreau, Paris, 20/10/1994, 1888 p.

[16] Apollodore, Bibliothèque: I,6,1 sqq

[17] Snorri SturlusonL’Edda: Récits de mythologie nordique, trad. François-Xavier Dillmann, L’aube des peuples, Gallimard, 21 février 1991, 240 p.

[18] La Bible, Ancien Testament, Genèse 6-1,4 et La Bible, Ancien Testament, Livre de Samuel I, 17

[19] Snorri SturlusonL’Edda: Récits de mythologie nordique, trad. François-Xavier Dillmann, L’aube des peuples, Gallimard, 21 février 1991, 240 p.

Sources sur les licornes :

[20] Odell ShepardLore of the Unicorn : Folklore, evidences and reported sightings, Houghton Mifflin,  (reimpr, 2007, Bibliobazaar), 336 p.

[21] Pline l’Ancien, Histoire naturelle, Les Belles Lettres, Paris,

[22] Marco Polo, Jean-François Khosta-Théfaine (trad.), Le livre des merveilles du monde, Librio, coll. Librio Littérature, 8/11/2017

[23] Jean Savare, La licorne: de la légende à la réalité », Revue d’Histoire de la Pharmacie, n°214, 1972, pp. 177-185, sur le site : https://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1972_num_60_214_7143

[24]  Jean Lebrun invitant Michel Pastoureau, « Les textes illustres du Moyen Âge : Les bestiaires et la symbolique animale », sur France Inter

[25] Jean Savare, La licorne: de la légende à la réalité », Revue d’Histoire de la Pharmacie, n°214, 1972, pp. 177-185, sur le site : https://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1972_num_60_214_7143

[26] Geiriadur Prifysgol Cymru, Dictionary of the Welsh Language, Book 2,
University of Wales Press, Second ed., edition, 01/01/2003, 925 p.

Sources sur les Sombrals :

[27] L’émouvante raison qui a inspiré J.K. Rowling pour la création des détraqueurs, sympa

[28] Pottermore

[29] Hésiode (trad. du grec ancien par Annie Bonnafé, préf.Jean-Pierre Vernant), Théogonie, Paris, Payot & Rivages, coll. « La Petite Bibliothèque », 1993, 184 p.

Sources sur le Sinistros :

[30] Sikes, W. (1880). British Goblins: Welsh folk-lore, fairy mythology, legends and traditions. London: Sampson Low, pp. 168-173.

[31] Ibid

[32] Les Quatre Branches du «Mabinogi» et autres contes gallois du Moyen Âge, livre 1, trad. Pierre-Yves Lambert, Gallimard, coll. l’Aube des peuples, 26/10/1993, 419 p. 

[33] Homère trad. Robert Flacelière, Iliade, Éditions Gallimard, coll,« Bibliothèque de la Pléiade », 1993 (1re ed. 1955)

[34] Heroes of the DawnCeltic Myth, Duncan Baird Publishers, Time-Life Books, 1996, 144 p.

Sources sur les loups-garous

[35] Luisa Weber et Alexandre Baratta, « La Lycanthropie, du mythe à la pathologie psychiatrique », L’information psychiatrique, Volume 85, p 675-679, 2009, Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2012

[36] La Bible, Ancien testament, Livre de Daniel 4:32-33 

[37] Luisa Weber et Alexandre Baratta, « La Lycanthropie, du mythe à la pathologie psychiatrique », L’information psychiatrique, Volume 85, p 675-679, 2009, Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2012

[38] Ovide, Les Métamorphoses, I, «Lycaon» traduction de C. Bertagna, in C. Bertagna et F.Carrier, Fleurs d’encre 6ème, Hachette, Paris, 27/08/2014

[39] Olivier Bertrand (éd), La cité de Dieu de saint Augustin traduite par Raoul de Presles, I, 1, livre I-III, Paris, Champion, 2013

[40] Tite-Live, Histoire romaine, Livre I, (traduction Gaston Baillet), Les Belles Lettres, Paris, 2003 et Plutarque, Vies parallèlesThésée – Romulus, Quarto, Éditions Gallimard, 2001

Sources sur les centaures :

[41] Pindare, Odes, Pythiques, II, 25-48.

[42] Charles Victor Daremberg et Edmond Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines d’après les textes et les monuments contenant l’explication des termes qui se rapportent aux mœurs, aux institutions, à la religion, aux arts, aux sciences, au costume, au mobilier, à la guerre, à la marine, aux métiers, au monnaies, poids et mesures, etc. et en général à la vie publique et privée des anciens, p.1010, Hachette, 1877-1910

Sources sur Les Gobelins et Dobby :

[43] Nicky Pattison(real.), J.K. Rowling, Harry Potter et moi, BBC Worldwide, Royaume-Uni, 2002, 60 min.

[44] Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique, Seuil, collection « points », Paris, 03/1976

[45] Elizabeth Mary Wright, Rustic Speech and Folklore, Paperback, 3/11/1913, 222 p.

[46] Michel Tournier, Le vol du vampire, Gallimard, 1983, 416 p.

Consultés :

James Runcie (real.), J.K. Rowling: A Year in the Life, ITV, 2007, 50 min.

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22 Comments

  1. […] Aucune surprise ! C’est comme le Port Salut, c’est marqué dessus. Benjamin Brillaud nous présente au travers de dix petites histoires les grands destins de dix personnages historiques. Chaque personnage a plus ou moins marqué l’Histoire populaire que ce soit au travers de la littérature ou de l’emmental. Malgré le programme d’Histoire, certains épisodes historiques sont parfois auréolés de mystères et de légendes. […]

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