Qu’en est-il de la démocratie au pays des sorciers ? Le système politique et social des sorciers est sans doute celui qui creuse le plus grand des fossés avec le monde moldu contemporain.

On a d’un côté l’Angleterre des années 90 : une monarchie constitutionnelle démocratique, avec un Parlement élu, un Premier ministre responsable devant les électeurs, une presse (plus ou moins) libre, un État de droit, des élections régulières, la Reine pour la déco, et Maggie Thatcher puis Tony Blair pour les discours.

De l’autre, le Royaume des Sorciers : un Ministère de la Magie dirigé par un Ministre non élu par le peuple (nommé comment ? Mystère ! Par ses pairs ? Par un Conseil occulte ? On n’en sait rien, mais certainement pas via les urnes). Pas de Parlement sorcier élu – ils ont bien un Conseil appelé le Magenmagot (version sorcière d’un Sénat/juridiction, présidé un temps par Dumbledore lui-même), mais ses membres ne semblent pas choisis par le peuple. Probablement un ramassis de vieux sorciers issus de grandes familles et de hauts fonctionnaires. Bref, on est plus proche d’une oligarchie féodale que d’une démocratie moderne.

Pas de suffrage universel, juste du copinage

Dans la société sorcière, la notion de droits de l’homme (et du citoyen) est apparemment inexistante. Quelques illustrations qui piquent :

Le sorcier lambda n’élit pas son Ministre de la Magie. Cornelius Fudge a occupé le poste pendant une bonne décennie sans jamais faire campagne devant les masses, et il a été dégommé non pas par une élection, mais parce qu’il a nié le retour de Voldemort un peu trop longtemps et que tout le monde a vu qu’il était incompétent. Son successeur Scrimgeour a été nommé à huis clos. Et quand il s’est fait tuer, son successeur (contrôlé par Voldy) a pris la place en douce. Pas de procédure, pas de vote de défiance, rien. Au final, Kingsley devient Ministre provisoire après la guerre, acclamé parce que c’est un héros sympa – ok, mais toujours pas d’élection. C’est du copinage et du pragmatisme, pas de la démocratie.

Un racisme toléré à grande échelle

Dans les années 90 moldues, traiter quelqu’un de sang-de-bourbe (équivalent sorcier de « sang impur », insulte raciste anti-non-pure) vaudrait au minimum une sanction sévère, possiblement un passage chez le proviseur et un signalement. Chez les sorciers, Drago Malfoy peut traiter Hermione de sang-de-bourbe en public sans aucune conséquence disciplinaire. Le racisme sang-pur versus né-moldu est toléré socialement à un niveau qui ferait pâlir d’envie l’aristocratie du 18ème siècle. Personne au Ministère ne lance de campagne “Tous Sang-Mêlés ?” ou de lois anti-discrimination. Au contraire, le Ministère pré-guerre Voldemort semble truffé de partisans de la pureté de sang (coucou Dolores Ombrage qui instaure des décrets anti-nés moldus dès qu’elle en a l’occasion). On est très très loin des valeurs d’égalité. Les moldus des 90s n’étaient pas parfaits (le racisme existe toujours, certes), mais au moins la loi et l’opinion condamnaient officiellement ces attitudes. Chez les sorciers, jusqu’en 1998, il a fallu une guerre ouverte pour dire “le racisme anti-moldu, ce n’est pas bien”.

Castes et familles : le retour du féodalisme

Le monde magique britannique est dominé par quelques familles nobles de fait : les Malfoy, les Black, les Lestrange, etc… Riches par milliards de Gallions. Qui tirent les ficelles en coulisse. Lucius Malfoy siégeait au Conseil d’administration de Poudlard en tant que mécène, et a réussi à faire virer Dumbledore temporairement juste en distribuant des pots-de-vin et des menaces. C’est clairement un fonctionnement féodal : la grosse famille du coin fait la pluie et le beau temps, l’institution plie. Imaginez un parent d’élève en 1992 qui, parce qu’il donne beaucoup d’argent au collège, pourrait faire renvoyer le principal – scandale d’État chez les moldus. Chez les sorciers, même pas choquant. De même, la façon dont Fudge, en tant que Ministre, lèche les bottes de Lucius Malfoy (un riche notable) dans le tome 5, c’est révélateur : le pouvoir politique est au service des élites riches, pas du petit peuple de Pré-au-Lard.

L’esclavage des elfes et autres créatures

Oui, esclavage, vous avez bien lu. Les sorciers maintiennent en esclavage toute une race d’êtres sensibles : Les elfes de maison. Ces pauvres bougres, style Dobby, Kreattur, sont littéralement propriété de familles ou d’institutions, forcées de servir jusqu’à la mort, maltraitées, sans salaire… Et la plupart intériorisent même que c’est normal ! Ça craint un max. Hermione en prend conscience et fonde la S.A.L.E (Société d’Aide à la Libération des Elfes) dans le tome 4… Et tout le monde se moque d’elle royalement. Personne n’en a rien à faire de libérer ces esclaves domestiques. Même nos héros trouvent ça excessif de vouloir leur liberté. On croit rêver.

Dans l’Angleterre moldue, l’esclavage a été aboli en 1833 ! Depuis, impossible d’imaginer une classe dirigeante qui possède des esclaves légalement. Chez les sorciers, ça ne pose aucun problème moral apparent, en 1995, que Poudlard emploie une armée d’elfes pour la cuisine et le ménage sans les payer. Belle avancée sociale, vraiment. Et on pourrait élargir ça à la manière dont les sorciers traitent les autres espèces pensantes : les gobelins (parqués dans leur rôle de banquiers, privés de droits comme celui de porter une baguette), les centaures (considérés comme des demi-humains sauvages, relégués dans une forêt), les géants (pourchassés et exilés), les loup-garous (ostracisés de la société, voir Lupin qui ne trouve pas de boulot stable à cause de sa condition). On est dans un système de castes et de discriminations systémiques dignes de l’Ancien Régime. Liberté, Égalité, Fraternité ? Connais pas, désolé, je suis sorcier.

Une justice brutale, inéquitable et kafkaïenne

Le monde magique a des lois assez rudes et une justice à la fois laxiste et autoritaire. Par exemple, un sorcier mineur qui fait de la magie en dehors de l’école peut se faire expulser de Poudlard illico (Harry en a fait les frais avec l’histoire de Dobby qui fait léviter un gâteau – il reçoit une lettre de menace du Ministère dès le lendemain). Zéro seconde chance, c’est très strict. Par contre, des Mangemorts qui ont torturé des gens (comme Lucius Malfoy) s’en sortent en disant “j’étais sous Imperium” et retrouvent leur manoir tranquillou. Où est la justice ? On enferme Sirius Black à Azkaban pendant 12 ans sans procès (belle erreur judiciaire, coucou la présomption d’innocence). On balance Hagrid en prison sur un soupçon en 1993 (quand la Chambre des Secrets est rouverte, hop bouc émissaire). Pas d’avocat, pas de jury populaire.

Les procès qu’on voit (celui d’Igor Karkaroff dans un Pensine, ou de Harry pour usage de la magie devant Dudley) sont menés par le Magenmagot, une brochette de juges en robe violette qui balancent des sentences à la tête du client. Ça fait froid dans le dos. Les moldus, eux, ont des tribunaux publics, un système d’appel, des avocats, bref tout un attirail législatif imparfait mais existant. Le sorcier, si le Ministère le déclare coupable, ben c’est marre, direction Azkaban pour y faire copain-copain avec les Détraqueurs.

Azkaban : l’horreur institutionnalisée

Azkaban, parlons-en : la prison sorcière est littéralement un lieu de torture psychologique où les détenus se font aspirer toute joie par des créatures maléfiques. On est plus proches des geôles médiévales ou du goulag que de la prison moderne. Pas de programme de réinsertion, pas de respect des droits humains (le droit européen aurait quelques remarques à faire sur l’usage de monstres suceurs d’âme comme gardiens…).

Le monde sorcier : figé dans le temps

Alors que dans les années 90 les Moldus s’ouvraient progressivement à plein de choses (droits civiques, libération des mœurs, fin de la guerre froide, etc.), les sorciers semblent vivre en vase clos sur des acquis périmés. Exemples : en 1996, le Royaume-Uni a déjà connu une femme Premier Ministre (Thatcher), et bientôt une Reine qui battra des records de longévité. Dans le monde magique, on n’a jamais eu de femme Ministre de la Magie mentionnée à cette époque (il y en aura plus tard, mais tard…).

Au Ministère, les postes clés sont tenus par des vieux sorciers conservateurs (hormis Madame Bones qui se fait tuer rapidos, et Ombrage qui est l’exception féminine – mais quelle exception, beurk). La modernité sociale semble ne pas exister : les sorciers vivent cachés et acceptent qu’une guerre civile éclate par fanatisme sang-pur, un peu comme si on vivait une résurgence nazie en 1997… Alors que chez les moldus, la seconde guerre mondiale (contre de vrais nazis) était terminée depuis 1945.

Des erreurs du passé jamais corrigées

En gros, les sorciers ont combattu leur “Hitler” (Voldemort) en 1998, avec 50 ans de retard sur les moldus. Et avant Voldemort, ils avaient Grindelwald, un mage noir qu’Albus Dumbledore a vaincu en… 1945 justement, clin d’œil. Mais on note qu’entre temps, aucune leçon n’a vraiment été apprise : les mêmes préjugés ont continué, menant aux mêmes extrémismes. Dans le monde moldu, on essaie (pas toujours avec succès) d’enseigner l’Histoire pour ne pas répéter les erreurs. Dans le monde sorcier, l’Histoire de la Magie enseignée par le fantôme du professeur Binns endort tout le monde et personne n’apprend rien, manifestement.

Un gouvernement tout-puissant et une population silencieuse

En résumé, le gouvernement sorcier est un cocktail de monarchie absolue (Ministre tout-puissant sans mandat populaire), d’aristocratie (les sang-purs riches dominent), et de bureaucratie orwellienne (quand on voit le Ministère dans Harry Potter 7, avec son slogan et ses statues oppressantes des moldus écrasés… ça ne s’invente pas). Les sorciers vivent sous un régime autoritaire soft la plupart du temps, qui peut tourner à la dictature pure et simple quand un Voldemort s’en empare. Ils n’ont aucune culture des droits civiques, aucune tradition démocratique, aucune séparation claire des pouvoirs. Le Ministère fait la loi, applique la loi, et contrôle l’info. Tout en un. On est loin de Montesquieu.

L’absence totale d’engagement citoyen

Et quid de l’avis du peuple sorcier ? Existe-t-il seulement une opinion publique ? On voit juste des foules s’exciter lors des matchs de Quidditch ou paniquer lors d’attaques, mais pas de mouvement citoyen. Hermione essaie de militer pour les elfes, elle se fait rire au nez. Personne ne manifeste dans la rue (à part pour célébrer la chute de Voldemort en 1981, et encore, juste des feux d’artifice spontanés). Pas de syndicats de travailleurs sorciers, pas d’associations de défense des nés-moldus (c’est une ado de 15 ans qui porte ça toute seule avec des badges moches “S.A.L.E.”).

Dans les 90s moldus, on avait déjà eu Mai 68, la deuxième vague féministe, Greenpeace, Amnesty International, etc. Les sorciers, eux, n’ont apparemment aucune ONG pour défendre quoi que ce soit. C’est à croire que la baguette magique remplace chez eux toute envie de progrès social : “On a la magie, c’est bon, pas besoin de se battre pour des droits, ça se réglera à coups de sortilèges.” Eh bien on a vu le résultat !

Une Angleterre magique bien plus rétrograde que la réalité

Sur le plan politique et social, les sorciers font passer la vieille Angleterre victorienne pour un paradis éclairé. Pas de démocratie, des inégalités criantes, du racisme, de l’esclavage, une justice bancale… La magie leur a peut-être offert le pouvoir sur la nature, mais certainement pas l’émancipation citoyenne. Morale de l’histoire : mieux vaut un Moldu avec son bulletin de vote qu’un sorcier avec sa baguette quand il s’agit de faire société

Harry Potter, magie ou miroir critique ?

C’est un énorme paradoxe : ces sorciers possèdent des pouvoirs surnaturels, peuvent lancer des sorts incroyables, mais ils vivent globalement moins bien organisés que des Moldus dépourvus de magie. Ils se cachent dans des châteaux humides pendant que le monde avance sans eux. On a envie de leur crier : “Eh oh réveillez-vous les gars, la révolution industrielle est passée par là, profitez-en !” Mais non, ils resteront dans leur bulle magique à envoyer des hiboux et à vénérer le Choixpeau, persuadés d’être supérieurs alors qu’ils sont juste ignorants du progrès

Alors bien sûr, on caricature (un brin de mauvaise foi, comme promis). La magie c’est cool, Harry Potter c’est notre enfance, tout ça. On ne va pas bouder notre plaisir devant un bon duel de sorciers ou un match de Quidditch endiablé. Mais avouez que si demain on vous proposait de vivre pour de vrai dans le monde des sorciers version J.K. Rowling, il faudrait réfléchir à deux fois. Voudriez-vous vraiment échanger votre smartphone, votre PlayStation, votre sécurité sociale, vos droits civiques et votre liberté d’expression contre une baguette, une robe de sorcier et un abonnement au Hibou Postal ? La question elle est vite répondue, comme on dit en mauvais français.

En attendant, la prochaine fois que vous relirez Harry Potter, amusez-vous à repérer tous ces petits détails d’un univers finalement pas si avancé. Et dites-vous que les vrais héros, ce sont peut-être les Moldus : pas de magie, mais ils ont quand même réussi à faire mieux que ces sorciers sur bien des plans. Un bon sortilège, c’est bien, mais une bonne vieille démocratie moderne, c’est pas de la sorcellerie – et c’est drôlement plus civilisé.

Mot de la fin

Allez, sans rancune les sorciers : on vous aime bien quand même, avec vos robes ridicules et vos manies d’un autre âge. Mais sérieusement, mettez-vous à la page, parce que là… C’est claqué au sol.

Fin de la chronique. N’hésitez pas à laisser un commentaire (en évitant les sortilèges de jinx dans le texte, merci). Et rappelez-vous : la plume est plus puissante que la baguette… surtout si c’est un stylo-bille Bic qui écrit plus vite qu’un hibou ne vole.

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Rédigé par Duck

Rédacteur qui se définit lui-même comme un simple freelance qui nous fait une chronique de temps en temps, Papa poule, Youtuber. Et surtout, maître dans l’Art de troller et de détourner et retourner tous les univers possibles.


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