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Olivier Ledroit est le dessinateur de plusieurs bandes dessinées célèbres. Il a commencé sa carrière avec la série de medieval fantasy Les Chroniques de la Lune Noire scénarisée par François Froideval. Son œuvre la plus connue est la série gothique Requiem, Chevalier Vampire du scénariste Patt Mills. Plus récemment, il a réalisé les bandes dessinées Le Troisième Œil sur l’ésotérisme à Paris et Wika qui se déroule dans un univers féérique.

Nous avons eu la chance de rencontrer Olivier Ledroit le 19 décembre dernier lors d’une séance de dédicaces au bar/restaurant metal le Black Dog, où l’artiste a réalisé une fresque inspirée de Requiem. Nommé d’après une chanson de Led Zeppelin, ce repère de fans de metal est célèbre pour sa guillotine et sa tête d’Alien sur le mur, ainsi que ses spécialités aux noms inspirants comme la Peine de Mort, les œufs d’Alien (empanadas rhum-banane) ou le cocktail Evil Deer…

Interview d’Olivier Ledroit par la Revue de la Toile

Olivier Ledroit, pouvez-vous nous raconter votre parcours ? Vous avez commencé par dessiner dans des magazines liés aux jeux de rôles, puis vous avez été un précurseur dès les années 1990 de ce qu’on a appelé la bande dessinée gothique.

Oui, j’ai commencé en 1989 : à l’époque, je jouais beaucoup aux jeux de rôles (Donjons & dragons, etc.) et j’ai donc commencé à travailler pour le magazine de jeux de rôles Casus Belli. C’est là que j’ai rencontré mon scénariste François Froideval avec qui j’ai fait Les Chroniques de la Lune Noire. Ensuite, j’ai fait tout un tas de livres chez plusieurs éditeurs et j’ai commencé Requiem vers les années 2000. À cette époque, j’ai créé ma propre maison d’édition, Nickel.

Couverture du tome 1 des Chroniques de la Lune Noire. On y voit des chevaliers masqués aux silhouettes allongées dont l'uniforme évoque des croisés.

Autre illustration tirée des Chroniques de la Lune Noire. Très chargée et détaillée, elle évoque cette fois une enluminure médiévale et représente un démon attaquant une ville.
Source : Les Chroniques de la Lune Noire © Olivier Ledroit et François Froideval, éditions Dargaud. Tous droits réservés.

Comment avez-vous développé votre style ? On vous dit inspiré par l’heroic fantasy, les comics et par des illustrations gothiques du XIXe siècle comme les dessins au lavis de Victor Hugo…

Pas seulement ! Je regardais beaucoup de choses très variées. En peinture, j’adorais la période symboliste (Klimt, par exemple). J’aimais aussi le travail de l’américain Bernie Wilson, qui avait fait un livre très gothique sur Frankenstein. Et puis j’ai toujours eu beaucoup d’inspiration qui me venait du cinéma, notamment pour les cadrages. En réalité, je suis plus inspiré par le cinéma que par les bandes dessinées.

Avez-vous aussi des inspirations dans les mangas ?

Oui, tout à fait ! En fait, depuis plusieurs années, je ne lis pratiquement plus que du manga comme bandes dessinées. J’ai commencé avec Berserk. J’aime bien aussi Junji Itô et la série Sun-Ken Rock de Boichi. Et Gô Tanabe, qui fait les adaptations de Lovecraft. J’adore ce genre de mangas. Mais je n’ai jamais lu les séries très populaires comme One Piece, ça ne m’intéressait pas. Je préfère les dessins plus réalistes.

Je trouve que c’est dans le manga qu’il y a le plus de créativité, de nos jours. J’ai tendance à trouver que le comics et la BD francophone sont un peu endormis. Il n’y a pas beaucoup de choses qui m’attirent. C’est vrai qu’il y a toute une époque où je lisais pas mal de comics (Alan Moore, Pat Mills…), je trouvais qu’il y avait là une énergie créatrice. C’était d’ailleurs plutôt des comics anglais. Mais aujourd’hui, c’est plutôt du côté de l’Asie qu’il se passe des choses en terme de narration et de dessin.

Votre style dans Requiem a été associé à l’univers du metal. Écoutez-vous de la musique en dessinant ? Avez-vous des groupes/chansons de metal préférés ?

Il y a des groupes de hard rock que j’aimais bien. Ma génération, c’était Iron Maiden, AC/DC, Black Sabbath… Mais c’est un peut trop speed pour les écouter en travaillant ! Il y a un risque que ma main se mette à suivre le rythme de la musique… Donc pour dessiner, je préfère écouter de l’électro. Et des trucs un peu planants, comme Kavinsky ou Tangerine Dream. Ou la musique de Alt 236 et celle des films de John Carpenter. J’aime écouter des BO de films pour me mettre dans l’ambiance. Des musiques un peu sinistres, comme celle de Shining, par exemple !

Mais ce qui me plaisait le plus dans le metal, en fait, c’était les illustrations des pochettes de disques. J’aime beaucoup toute l’esthétique liée au metal.

Illustration du tome1 de requiem. Le personnage principal, Heinrich a un look très gothique, voire punk, qui rappelle celui des fans de metal, et une épée géante comme Guts dans Berserk. Au loin, s'étend une ville chargée de gargouilles, éclairée d'une lumière rouge.
Source : Requiem, Chevalier Vampire © Olivier Ledroit et Pat Mills, éditions Nickel. Tous droits réservés.

À quelle occasion avez-vous dessiné la fresque pour le Black dog ? Que représente-t-elle ?

À l’époque des premières BD de Requiem, on travaillait avec quelqu’un qui était proche du Black Dog et je venais souvent faire des évènements ici, des soirées de lancement par exemple. Comme je m’entendais bien avec Alex (le patron), j’ai proposé de faire une fresque lorsqu’ils étaient en train de refaire la déco de la salle. Donc c’est inspiré directement de l’univers de Requiem.

Mais la femme représentée sur la fresque n’apparaît pas dans Requiem ?

En fait, c’était la serveuse du Black Dog à l’époque. Il y avait une très jolie serveuse avec des cheveux rouges. Et j’ai rajouté des têtes de chiens de l’enfer tout autour, car c’est l’emblème du Black Dog !

La fresque du Black Dog représente une femme au cheveux rouges, presque nue et portant des accessoires gothiques, qui dirige une armée de monstres à têtes de chiens.
Fresque d’Olivier Ledroit. Photographie : https://sceneario.com/. Tous droits réservés. Note : on peut voir devant la célèbre guillotine du Black Dog, placée de manière à encadrer le personnage.

Vous utilisez des techniques très variées : de la peinture, du collage… C’est assez rare en bande dessinée. Vous traitez véritablement vos bandes dessinées comme des œuvres d’art. Combien de temps en moyenne passer-vous sur une planche ?

C’est assez variable, mais en général je mets 2-3 jours. L’idée des collages vient du fait que, très vite, j’ai commencé à faire des expositions en galerie et à faire de la peinture. C’est à ce moment que j’ai développé ces techniques de collage, quelque chose de plus pictural. Et ça me plaisait tellement que je les ai réutilisées ensuite dans mes bandes dessinées.

Quel est votre personnage préféré dans Requiem ?

Je n’en ai pas spécialement… À dessiner, j’aime bien le personnage principal, Heinrich. J’aime aussi le loup-garou Torquemada et Dracula. Ce sont les trois personnages que je préfère dessiner. Et chez les personnages féminins, je dirais que c’est Rebecca.

Heinrich a les cheveux pâles et longs comme un elfe mais il est habillé tout en noir et porte des accessoires gothiques (boucle d'oreille et tatouage en forme de croix). Torquemada, nommé d'après le célèbre inquisiteur, est un loup garou à l'air menaçant. Dracula est inspiré du Dracula historique, Vlad Tepes et porte une armure entièrement rouge qui rappelle la scène d'introduction du film de Coppola.
Heinrich, Torquemada et Dracula. Source : Requiem, Chevalier Vampire © Olivier Ledroit et Pat Mills, éditions Nickel. Tous droits réservés. Note : L’armure de Dracula est une référence au film de Coppola.
Dessin de Rebecca qui marche dans une ville en ruines. Elle a des cheveux noirs épais et en désordre, du rouge à lèvre noir, la peau très pâle et un imperméable en cuir.
Rebecca dans le tome 11 de Requiem. Source : Requiem, Chevalier Vampire © Olivier Ledroit et Pat Mills, éditions Nickel. Tous droits réservés.

Vous parlez souvent de littérature dans vos interviews. Quels sont vos romans gothiques/SF/fantasy préférés ? Ceux qui vous inspirent ?

Ça dépend, il y a eu plusieurs époques. Quand j’ai commencé Les Chroniques de la Lune Noire, j’avais lu, comme tout le monde, Le Seigneur des Anneaux. Et les romans de l’écrivain Michael Moorcock, aussi. C’étaient mes romans préférés quand j’étais tout jeune. Ensuite, j’ai lu pas mal de littérature fantastique comme Matheson, Stephen King… Et je lisais aussi beaucoup de polars. L’une de mes bandes dessinées, Xoco, est d’ailleurs un polar fantastique.

Xoco se déroule à New York, avec un style "film noir des années 30" et des bâtiments futuristes. Sur cette image, on voit une femme marcher rapidement dans une rue déserte où le vent fait voler des pages de papiers journaux.
Autre image de Xoco, avec des immeubles vertigineux, sous un ciel enneigé.
Source : Xoco © Olivier Ledroit et Thomas Mosdi, éditions Vents d’Ouest. Tous droits réservés.

Matheson dans Je suis une légende et Stephen King dans Salem ont comme vous une vision des vampires qui se rapproche plus de l’horreur que de la fantasy. C’est assez rare de nos jours…

Oui, à l’époque de Requiem, les vampires étaient devenus un peu ringards. Il y avait surtout des histoires pour adolescents comme Twilight, sur des vampires amoureux. Mais je voulais faire des vampires vraiment bestiaux et déjantés, faire quelque chose d’original à partir, justement, de quelque chose de ringard. Mes inspirations venaient plutôt du Dracula de Coppola et de Vampires de John Carpenter.

Pour créer des personnages de fantasy originaux, vous mélangez souvent deux éléments de deux cultures ou deux univers totalement différents ?

Oui, ça vient de l’époque où je travaillais pour le jeu vidéo et le jeu de rôles. J’ai fait les character designs pour le jeu Might and Magic. J’étais aussi directeur artistique, donc il me fallait trouver une méthode pour aider les autres développeurs. C’est une technique que j’utilisais surtout à l’époque et je ne le fais pas par exemple pour Requiem. Mais effectivement, je prenais deux cultures qui n’avaient rien à voir pour créer un personnage. Cela permettait de donner le ton, et ensuite j’envoyais de la doc aux autres dessinateurs pour qu’ils puissent développer des personnages caractéristiques de chaque caste.

Quelle est votre créature fantastique préférée ? Vous avez dessiné des vampires, mais aussi des fées, des gnomes…

Oui, j’aime beaucoup les fées. Comme ma carrière est longue, j’ai eu des préférences différentes. Quand j’étais jeune, j’adorais dessiner des guerriers, des elfes… Ensuite, je me suis mis aux fées. Et, bien plus tard, aux vampires. En fait, ce que j’aime, c’est d’être éclectique. J’ai aussi dessiné des dragons à une époque et ça me plaisait beaucoup.

Page de livre qui présente trois petites fées très mignonnes aux ailes de papillons. Le style est complètement différent des vampires de Requiem !
Autre page du même livre qui met en scène un arbre à face humaine et une petite fée des bois. Tous deux ont l'air vaguement inquiétants.
Source : L’univers féérique d’Olivier Ledroit. © Olivier Ledroit. Tous droits réservés.

Quels sont vos prochains projets ?

Je viens de terminer un livre sur Les Fleurs du Mal de Baudelaire, composé exclusivement de peintures. En bande dessinée, je vais commencer en janvier un numéro spécial Metal Hurlant sur le thème du Hellfest. Ça va être le Hellfest sur Résurrection, dans le monde de Requiem. Puis, je vais attaquer le dernier tome de Requiem. Et, parallèlement, je vais continuer le tome 3 du Troisième Œil, qui est une bande dessinée contemporaine sur l’ésotérisme.

Illustration du Troisième Œil. La pyramide du Louvre dégageant un flux d'énergie lumineuse.
Le métro de Paris envahi de créature évoquant des chiens fantomatiques.
Source : Le Troisième Œil © Olivier Ledroit, éditions Glénat. Tous droits réservés.

Vous vous êtes renseigné sur l’ésotérisme et les monuments de Paris pour Le Troisième Œil. Y a-t-il des lieux associés à l’ésotérisme près du Black Dog où nous nous trouvons ?

Oui, plusieurs. Par exemple la tour St Jacques, qui est juste à côté !

 Un mot pour nos lecteurs·ices ? Pour vos fans ?

Je remercie tous mes fans. Certains me suivent depuis des années, certains sont devenus des amis. Tout travail artistique est basé sur un échange de cœur à cœur, et je suis très flatté que mon œuvre résonne chez autant de personnes.

Merci à Olivier Ledroit pour cette très belle interview !

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Umeboshi : prune japonaise séchée et amer

Rédigé par Umeboshi

Rédactrice, Relectrice SEO, Community Manager, enfant prodige, passionnée d’univers gothiques, mangaphile, parle le japonais couramment, a rédigé une thèse de 80 pages sur JoJo’s Bizarre Adventure.

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