On vous décrypte les références littéraires dans JoJo ! Analyse de Phantom Blood – Acte 3: Combat final ! Dio VS JoJo!
Salut à tous ! Dans ce troisième article sur Phantom Blood, on va bien sûr parler du personnage principal de cette histoire. …Reste à savoir qui est le personnage principal !
Pour rappel, JoJo est un manga shônen divisé en 9 parties et publié depuis 1987. La première partie raconte l’affrontement de Jonathan et Dio ! Tout part d’une dispute d’enfants, qui prend des proportions astronomiques et qui conduira dans le 6ème arc… à la fin du monde ! (Mais ne vous inquiétez pas, l’histoire continue quand même après…)
Qui est le véritable héros de Phantom Blood ?
(Voilà bien une question qui risque de faire des morts!) Rappelons d’abord le contexte:
On a vu que Dio était un personnage inspiré de Dracula, le vampire transylvanien qui s’infiltre dans la haute société anglaise. Cependant, au début de JoJo’s Bizarre Adventure, Dio n’est pas encore un vampire et il ne vient pas d’un pays lointain, mais des bas-fonds de Londres. Ce qui en fait tout de même un étranger aux origines obscures, aux yeux de la noblesse anglaise.
Dracula s’infiltre à Londres pour y trouver de nouvelles victimes et détruire la société de l’intérieur. De même, Dio s’infiltre dans la famille de Jonathan pour assassiner les habitants du manoir et s’emparer de leur fortune.
Oui. Dans la vie, voyez-vous, Dio a un but simple : il veut de l’argent.
Dio VS JoJo ! Round 1 : Une histoire d’argent !
Mais, à la différence de Dracula, Dio n’est pas encore un vampire à ce stade de l’histoire. Dans ce cas, la peur qu’il inspire provient-elle simplement du fait qu’il est issu du peuple et convoite la fortune des habitants du manoir ?
On pourrait bien sûr faire une interprétation marxiste de ce passage. Dio représenterait pour la classe dominante la peur des classes inférieures, qui cherchent à la renverser et à lui voler ses avantages. (Jonathan a par exemple l’impression que Dio lui vole l’attention de son père. Et donc sa place dans la famille.)
Cependant, le manga reprend surtout un schéma typique des romans européens réalistes ou romantiques du XIXe siècle : Un jeune homme pauvre et ambitieux veut s’élever dans la société par tous les moyens. Pour cela il se compromet de plus en plus et commet des actions de moins en moins morales. Avant d’échouer tragiquement et de retomber finalement dans la pauvreté.
On peut penser par exemple au roman Le Rouge et le Noir de Stendhal… Est-ce une coïncidence ? Le héros, Julien Sorel, est introduit exactement de la même manière que Dio : Lors de sa première apparition, au chapitre IV, il est occupé à lire un livre et refuse de répondre à son père, un paysan brutal et grossier qui l’appelle. Comme Dio, il a une sorte de grâce naturelle, qui contraste avec l’apparence grotesque de son père. Enfin, Julien a pour méthode de s’infiltrer dans une bonne famille et de s’y faire une place par l’hypocrisie et la séduction. L’ambition du héros, son mépris pour ses propre origines et sa haine des riches sont encore d’autres points communs avec Dio !
Autre exemple : le roman The Luck of Barry Lyndon (Mémoires de Barry Lyndon) de William Makepeace Thackeray, publié en 1844, et qui a inspiré un film célèbre de Stanley Kubrick en 1975. Le roman relate la vie d’un Irlandais issu d’une famille noble mais désargentée, qui tente de s’intégrer dans l’aristocratie anglaise par des moyens moralement douteux.
Dans JoJo’s Bizarre Adventure, Araki cite une phrase de ce romancier au moment de la mort de Zeppeli, ce qui indique qu’il le connaît au moins de nom. La citation en question (« To love and win is the best thing. To love and lose, is the next best thing. » / « Aimer et gagner sont les meilleures choses au monde, aimer et perdre sont les suivantes ») est tirée de Histoire de Pendennis, autre roman d’apprentissage écrit par Thackeray. (Mais notons qu’Araki cite peut-être cet auteur uniquement à des fins de pittoresque, étant donné que Thackeray est célèbre pour avoir décrit avec précision et ironie la société anglaise de son temps.)
L’originalité du manga vient toutefois de l’inversion du schéma en question :
Dans JoJo’s Bizarre Adventure, cependant, l’histoire est racontée du point de vue de la classe dominante, qui voit ce personnage comme une menace. A noter également que, si Dio échoue en effet à s’élever dans la société (sa tentative d’empoisonner le père de Jonathan échoue, et il est pris au piège par la police), son histoire ne s’arrête pas là, puisque c’est à ce moment qu’il se transforme enfin en vampire et que l’histoire, jusqu’alors réaliste, bascule soudainement dans le fantastique.
Frederico Anzalone (JoJo’s Bizarre Adventure. Le diamant inclassable du manga, 2019) nous propose ici une interprétation intéressante :
Dio serait inspiré des héros de manga des années 50-60 (époque de la reconstruction économique du Japon après la Seconde Guerre mondiale), dont l’objectif principal était de s’élever toujours plus haut dans la société, ainsi que des mangas post-mai 68, qui présentaient souvent un protagoniste issu des bas-fonds et en rébellion contre la société. Jonathan, lui, représenterait le héros typique des mangas des années 80 (ère du miracle économique), vertueux, insouciant et naïf, à l’image de la jeunesse japonaise de cette époque.
L’opposition Dio VS JoJo représenterait donc la collision de ces deux types de protagonistes – qui, visiblement, ne se comprennent pas – dans une sorte d’illustration condensée de l’histoire économique moderne du Japon :
De manière intéressante, le début de JoJo ressemble à une version renversée des mangas à énergie nekketsu de l’enfance d’Araki, tels que Kyojin no Hoshi ou Ashita no Joe. Jonathan, le protagoniste, est ici un jeune nanti sans problème et c’est Dio, l’antagoniste, qui prend la place du gamin encoléré issu des bas quartiers, voué à s’élever par sa propre force […] il y aurait moults lectures à faire de cette opposition entre le fortuné Jonathan et le miséreux Dio, à l’époque où le Japon vit encore son « miracle économique ». […] Il y a dans JoJo quelque chose de l’air de son temps, qu’Araki l’ait capturé de manière consciente ou non – lui qui a par ailleurs passé son adolescence puis ses jeunes années d’adulte dans un Japon prospère et assagi, en comparaison du tumulte des sixties. Ne peut-on pas considérer Dio comme un symbole de révolte des oubliés de l’essor économique, qui brûle de s’approprier ce dont il n’a jamais pu bénéficier ? Quant au Jonathan du début du manga, on pourrait l’envisager comme un reflet d’une certaine catégorie de jeunes Japonais des années 1980, nantis, apolitiques, installés dans le confort engourdissant qu’ont bâti leurs parents.
Frederico Anzalone, JoJo’s Bizarre Adventure. Le diamant inclassable du manga, Toulouse, Third Editions, 2019, pp.74-75.
Dio VS JoJo ! Round 2: Qui est le personnage vedette dans Phantom Blood ?
Les caractéristiques du héros : être animé par un désir, être le meneur de l’histoire
C’est vrai qu’à ce stade de l’histoire, les deux personnages sont traités comme des protagonistes. On sait également qu’une série précédente de l’auteur, Ma-shônen BT (dont le titre peut se traduire par « BT, le garçon magique » ou « BT, le garçon démoniaque ») a été interrompue prématurément car son protagoniste, au design et à la personnalité proche de Dio, avait été jugé trop malveillant et pas assez altruiste pour être un héros. Ne pouvant en faire un protagoniste comme il le souhaitait initialement, l’auteur semble avoir recyclé ce personnage en antagoniste.
Cependant, Dio conserve certaines caractéristiques qui le rapprochent d’un protagoniste de shônen manga. Par exemple l’ambition et la volonté de poursuivre un objectif. Il est en outre introduit dans le manga dès la page 11 – soit dix pages avant Jonathan, qui n’apparaît qu’à la page 21 ! [1]
Dans un shônen manga l’histoire est généralement déclenchée par la volonté du héros de devenir plus fort afin de poursuivre un rêve. Mais ici c’est au contraire l’ambition de l’antagoniste qui est le moteur de l’histoire.
Dans son ouvrage de référence L’anatomie du scénario, John Truby définit ainsi les trois premières caractéristiques de tout héros :
- Le personnage principal doit toujours être fascinant ;
- Le public doit pouvoir s’identifier à lui, principalement en comprenant ses motivations ;
- Le public doit ressentir de l’empathie, mais pas forcément de la sympathie pour le personnage.
Et dans Phantom Blood, on voit que ces trois points s’appliquent plus facilement à Dio qu’à Jonathan : c’est lui qui fascine, là où Jonathan paraît terne et banal. Et les lecteurs peuvent comprendre son désir de revanche sur la société et d’ascension sociale, sans pour autant le trouver sympathique ou apprécier ses méthodes. Ils s’identifient plus difficilement à un nanti comme Jonathan qui n’exprime pas d’ambition claire, sinon celle de suivre les traces de son père en devenant un homme respectable.
La volonté de Dio contraste donc avec la passivité de Jonathan, qui joue plutôt le rôle de l’obstacle. Son but est uniquement de défendre sa famille, puis le monde contre les ambitions de Dio.
Cette passivité a souvent été critiquée car elle ne correspond pas à ce que les lecteurs attendent d’un héros de shônen manga. Mais son attitude est assez classique dans le cadre de la littérature gothique, où les personnages principaux sont plus souvent des enquêteurs, des témoins, voire des victimes d’événements étranges provoqués par une créature surnaturelle.
Jonathan Harker, le héros de Dracula, se retrouve par exemple prisonnier au château du vampire (où, comme dit le Joueur Du Grenier dans sa vidéo sur Castlevania, il venait juste pour faire signer des papiers à Dracula !). Il découvre alors avec une terreur croissante que son hôte n’est pas humain et projette d’envahir Londres. Ainsi, les héros gothiques sont traditionnellement dans la réaction plus que dans l’action.
Dans les romans gothiques, c’est le monstre à combattre, et non le protagoniste, qui donne son nom au roman et qui en est la véritable star. Qui se souvient que le héros de Dracula s’appelle Jonathan ou que la narratrice de Carmilla se prénomme Laura ? (Celle-ci, d’ailleurs, n’est nommée pour la première fois qu’à la moitié du roman.)
Autre détail intéressant ! Si on s’intéresse aux noms des personnages, on peut remarquer que le nom de famille de Dio, « Brando », se prononce [BURANDOO] en phonétique japonaise, ce qui le rapproche du mot anglais « Blood » (prononcé [BURADDO]), mot qui figure dans le titre de l’arc, « Phantom Blood » [FANTOMU BURADDO]. Est-ce involontaire de la part de l’auteur, quand on sait qu’il avait l’habitude d’inclure le nom du protagoniste dans ses titres, souvent précédé d’un surnom ou d’un adjectif, comme par exemple Ma-shônen BT ou Gorgeous Irene ? Peut-être l’adjectif « Phantom » signifie-t-il que Dio est le véritable protagoniste mais que personne ne le voit ? De la même manière, les quatre premiers chapitres du manga s’intitulent « Shinryaku-sha Dio Brando », et reprennent donc bien ce schéma d’un nom de personnage précédé d’un surnom.
…1-0 pour Dio, donc !
Mais attendez, le match Dio VS JoJo est loin d’être fini…
Dio VS JoJo ! Round 3 : « Kimyô na yûjô », que voulait nous dire Jonathan ??
Et si ces personnages étaient en fait plus complémentaires qu’opposés et ne formaient en réalité qu’un seul personnage ? Pourquoi Jonathan a-t-il dit avoir une « amitié bizarre » avec Dio ? Cette réplique n’est pas logique ! Et on va vous démontrer pourquoi…
Avant tout : rapide flash-back sur le schéma de communication mis en place jusque-là…
Dans le passage qui précède l’incendie du manoir, on est d’accord, aucun événement surnaturel n’est encore intervenu dans le récit. Sans le prologue, on penserait même avoir affaire à un manga historique ou policier, plutôt qu’à un shônen.
Pourtant, l’atmosphère est tendue et l’on sent qu’il y a quelque chose d’anormal. Ne serait-ce qu’à cause du brouillage systématique de la communication qui règne dans le manoir : les dialogues des personnages sont presque immédiatement suivis de longs apartés qui indiquent qu’ils disent en réalité tout le contraire de ce qu’ils pensent.
Ces apartés révèlent que les personnages réfléchissent souvent à ce qu’ils vont dire avant de parler, ou bien réagissent dans leurs pensées aux paroles qu’ils viennent d’entendre. Ainsi, le rythme des conversations ressemble plutôt à celui d’une partie d’échecs, où chacun calcule ce qu’il dit.
Cette alternance entre dialogue et apartés se met en place dès l’arrivée de Dio au manoir et sa rencontre avec Jonathan. Mais le meilleur exemple de ce type de communication se trouve probablement aux pages 131-133 du premier tome, où, après un dialogue amical à la page 131 (« Dio ! Migoto datta yo ! Kimi no hashiri wa !! //–Arigatô ! Daga JOJO kimi atte no try sa ! » [« Dio ! Félicitations ! Ta course était formidable !! // – Merci ! Mais, JoJo, cet essai, on l’a réussi grâce à toi ! »]), les deux personnages enchaînent chacun sur un aparté d’une page entière pour expliquer qu’en réalité ils ne ressentent l’un envers l’autre aucune amitié :
[…] 7 nen ka… Are kara 7 nen mo tatsu… Ima… Dio to anna kaiwa wo shiteta kedo, shôjiki boku wa kare ni taishite yûjô wo kanjiteinai… Naze !? Kare wa anna sugokute ii yatsu na no ni, yûjô wo kanjinainda! 7 nen mae no jiken no sei ka!? Aiken Danny no koto datte, Erina no koto datte, boku no omoikomi da! Shôko ga nai! Aa, boku wa nante iya na yatsu da, mada ano toki no koto wo giwaku shi, kyôfu shiteiru!
Hirohiko Araki, JoJo’s Bizarre Adventure, JoJonium (t.1), Tôkyô, Shûeisha, 2013, p.132.
[7 ans… Cela fait déjà 7 ans… Maintenant… Même si je discute ainsi avec Dio, pour être honnête, je ne ressens aucune amitié envers lui… Pourquoi !? Alors qu’il est tellement sympathique, je n’éprouve aucune amitié ! Est-ce à cause des incidents d’il y a 7 ans !? L’histoire de mon chien Danny et d’Erina me reviennent encore en mémoire ! Il n’y a pas de preuve ! Ah, je suis vraiment une personne détestable, les souvenirs de cette époque me font encore douter et me terrifient !]
Yûjô dato!? Kirei goto wo narabete nikoniko suru na yo na kuzu-domo ga! Mô sugu sotsugyô… Mô Joestar-kyô no enjô wa iran! 7 nen JoJo to omote muki nakayoku shita no wa kono ki wo matta kara! Keikaku wa Joestar-ke no zaisan wo notsutoru koto sa! Zaisan wo hôteki ni jiyû ni dekiru nenrei ni natta !
Ibid. (t.1) p.133.
[De l’amitié ? Gardez vos belles paroles et vos sourires idiots, bandes de déchets ! Bientôt j’aurai fini l’école… Bientôt, je n’aurai plus besoin de cette comédie chez les Joestar ! Si, pendant 7 ans, j’ai fait en sorte de bien m’entendre avec JoJo, c’est parce que j’attendais ce moment ! Mon plan est de m’emparer de la fortune des Joestar ! J’ai enfin l’âge de disposer légalement et librement de ma fortune !]
Cet écart entre le discours (la façade, ou « tatemae ») et la pensée véritable (« hon’ne ») sert bien sûr à illustrer la comédie sociale. Dans l’œuvre étudiée, on notera que ce schéma s’applique surtout à l’intérieur du manoir, qui représente une société étouffante. Les apartés se font immédiatement moins nombreux dès lors le manga s’oriente vers le fantastique et le récit d’aventure.
Du coup, la réplique de Jonathan à la fin du manga (« Kimyô na yûjô sura kanjiru yo… » [2] [« Je ressens même une amitié bizarre… »]) est assez surprenante puisque (dans ses multiples apartés et monologues dramatiques) le personnage n’avait cessé de répéter qu’il n’éprouvait absolument aucune sympathie envers Dio.
Cette réplique – volontairement marquante puisque l’emploi de l’adjectif « kimyô » fait écho au titre de la série (JoJo no kimyô na bôken) – vient remettre en cause à peu près toute la logique qu’on avait établie : On pensait que les paroles des personnages étaient des mensonges, tandis que leurs pensées disaient la vérité (et donc, en l’occurrence, que les personnages faisaient semblant de s’apprécier tout en se détestant). Mais cette réplique finale laisse entendre qu’en réalité c’était peut-être le contraire.
Cela signifie-t-il que Jonathan mentait au lecteur dans tous ses apartés ?
On voit mal en effet à quel moment son point de vue sur Dio aurait pu évoluer, puisque celui-ci n’a fait que commettre des crimes de plus en plus odieux. Cette réconciliation de dernière minute est d’autant plus surprenante que Dio avait aussi assassiné le père de Jonathan. Selon toutes les normes sociales et morales, cela aurait dû rendre les personnages irréconciliables et orienter l’intrigue vers une histoire de haine et de vengeance.
Comment expliquer ce paradoxe ? Voici, selon moi, les trois théories les plus plausibles…
Nous passons à la partie fun de notre analyse : les grandes théories ! Le final de Phantom Blood est extrêmement célèbre, considéré comme un moment fondateur de la saga. Et pourtant, les interprétations de ce passage semblent beaucoup diverger selon les lecteurs… Quelle(s) morale(s) peut-on tirer de l’histoire ? Pourquoi Jonathan déclare-t-il soudain son amitié à Dio alors que celui-ci a détruit sa vie et n’exprime aucun remord ?
« L’amitié bizarre » – Théorie n°1, la plus évidente :
Peut-être peut-on expliquer cette réplique par l’influence d’East of Eden [A l’est d’Eden] de John Steinbeck – une autre source d’inspiration majeure de l’auteur – où Adam Trask est incapable de haïr son frère Charles qui, dans un accès de rage, a pourtant tenté de le tabasser à mort avant de le poursuivre avec une hachette. Ni son épouse Cathy qui l’a pourtant manipulé, trompé (avec son frère Charles), puis abandonné en lui tirant dessus à coups de pistolet… Au point que les autres personnages prennent souvent sa gentillesse pour de la faiblesse ou de la stupidité.
Euh… D’accord. (Je trouvais Dio dangereux, mais en fait par rapport à eux, il est adorable…)
Dans le manga, donc, l’explication serait que Jonathan, comme Adam Trask, a pour trait de personnalité principal la gentillesse. Au point d’être incapable de haïr son adversaire ou de le voir comme un ennemi ! Et, quelque part, on peut considérer qu’il a gagné le combat, puisqu’avec cette réplique il parvient à déstabiliser Dio et à l’impressionner par sa magnanimité. (Si vous voulez, c’est en quelque sorte un moyen d’écraser l’ennemi par trop de bonté !)
Il ne faut pas non plus oublier qu’en arts martiaux, le vrai vainqueur est celui qui a le meilleur état d’esprit. Et la noblesse de la mort est également une notion importante dans la tradition japonaise.
Enfin, rappelons que George Joestar était mort en disant à Jonathan de ne pas en vouloir à Dio. Peut-être Jonathan veut-il donc simplement rester fidèle jusqu’au bout aux principes de son père et mourir lui-aussi en gentleman ? (Son comportement à la fin du manga ne serait donc pas en rupture, mais en continuité avec sa ligne de conduite habituelle.) George Joestar étant un personnage très référencé par rapport à l’évêque Myriel dans Les Misérables (voir article sur les références à Victor Hugo dans JoJo), il prônait une sorte de morale pseudo-chrétienne, fondée sur la charité et le pardon.
…Mais les fans ont bien sûr une autre théorie ! (Je l’appellerais « la théorie Carmilla »)
Aussi appelée « la théorie du ship » ! C’est globalement l’idée que l’amitié « bizarre », ça veut dire de l’attirance ou de l’amour.
L’idée de cette interprétation est que, si Dio harcèle Jonathan pendant tout le manga, puis revient en déclarant qu’il l’apprécie et qu’il veut lui voler son corps… c’est qu’il a en fait un gros crush sur lui ! Et la réplique de l’amitié bizarre sous-entendrait que ce n’est peut-être pas si unilatéral…
D’accord, ça c’est bien sûr la théorie principale des fans ! Voyons si elle vaut quelque chose…
Soyons clairs : je ne veux pas me mêler de querelles de fandom ! Loin de moi, donc, l’idée de venir défendre ou réfuter des ships.
Frederico Anzalone (JoJo’s Bizarre Adventure : le diamant inclassable du manga, 2019) a déjà réfuté – quoiqu’un peu rapidement, ce me semble – la plupart des « ships » avancés par les fans. Mais ici, puisqu’on sait que Dio est bisexuel (à partir de Stone Ocean cependant, soit quand même 13 ans plus tard…), le ship est une piste d’interprétation qu’il convient au moins d’évoquer.
L’interprétation des fans me paraît en tout cas une piste intéressante par rapport à la littérature gothique. Car on sait que le gothique s’est très tôt démarqué par ses accents à la fois féministes et pro-LGBT. Sur ce point, on peut citer notamment Carmilla de Sheridan le Fanu qui, dès 1872, met en scène une charismatique vampire lesbienne. Puis, bien sûr, le best-seller Interview With The Vampire [Entretien avec un vampire] d’Anne Rice en 1975 et ses nombreuses suites, où l’on trouve chez les personnages principaux plusieurs couples de vampires gays. Même dans Dracula, certains lecteurs croient déceler de l’érotisme dans le passage où Dracula enferme Jonathan Harker dans son château et le persécute. Le thème de la persécution étant repris au début de Phantom Blood, il est bien normal que les lecteurs occidentaux s’interrogent…
Ajoutons en leur faveur que l’on trouve dans l’arc de Stardust Crusaders plusieurs références à The Vampire Lestat [Lestat le vampire] (le deuxième tome d’Interview With The Vampire) :
Comme Lestat, DIO se retrouve dans les années 80 après un siècle d’exil et, comme Lestat, il entreprend un tour du monde qui s’achève en Égypte – destination alors peu commune pour les vampires, qui étaient plutôt associés à la Transylvanie dans Dracula.
Dans son roman, Anne Rice choisit contre toute attente de situer en Égypte les origines des vampires, ainsi que les réponses au mystère de leur existence. (Pas le pays le plus logique quand même, parce qu’il y a beaucoup de soleil…) Elle en fait ainsi une étape obligatoire pour tout vampire en quête de connaissance. Cela expliquerait donc ce que DIO était parti faire là-bas !
Un autre grand principe du gothique : le monde est gris, plutôt que noir et blanc…
Un second avantage de la théorie du ship est qu’elle invite à relire l’histoire depuis le début, en se disant que l’opposition entre Jonathan et Dio n’était qu’apparente… Le héros, qui est présenté comme entièrement bon, pourrait donc être fasciné par un être entièrement mauvais ? Et il dit même ne faire qu’un avec lui ? Cela rejoint un autre principe de la littérature gothique, à savoir que ce que l’on vous montre en noir et blanc est souvent en réalité gris. Dans les romans gothiques, même les personnages présentés comme purs et innocents peuvent être fascinés par les ténèbres qu’ils combattent. C’est à cela que sert le manichéisme : à être dépassé.
En outre, les romans gothiques ont souvent pour principe que l’amour mène à la mort… On trouve des thèmes récurrents comme des personnages (mais plutôt des jeunes filles que des jeunes hommes) qui meurent le jour, la veille ou le lendemain de leur mariage. Et c’est vrai que Jonathan meurt au cours de son voyage de noces, tué par Dio. Donc pourquoi pas ? Du point de vue de la littérature gothique, cela se tient !
Cependant, du point de vue japonais… Araki avait-il vraiment une telle connaissance de la littérature gothique anglophone ? Il se peut que ces similitudes soient totalement involontaires. On ne peut pas savoir si ce ship était voulu, et probablement qu’il ne l’est pas. Mais, indépendamment de la volonté de l’auteur, c’est une lecture possible du manga.
Mais attendez, on peut encore aller plus loin et développer une troisième théorie…
Suivez le raisonnement. Quel est véritablement l’élément le plus étonnant de cette scène ?
Probablement que la réplique qui remet en cause tous les apartés des personnages est prononcée non pas par le vampire, mais bien par Jonathan – personnage qui paraissait pourtant pendant toute la durée de l’arc plutôt simpliste et facile à prédire.
De plus, si ce personnage semble être constamment du côté de l’ordre établi, c’est pourtant lui qui met le feu à son propre manoir. (Même si c’est dans le but de combattre Dio). Et c’est lui également qui provoque l’explosion du navire à la fin. Il détruit donc systématiquement le cadre qu’il est pourtant censé défendre.
Ainsi, même s’il défend l’ordre en apparence, le héros paraît finalement aspirer lui aussi à se libérer d’un cadre étouffant. Au début de l’histoire lui aussi semble mal à l’aise à l’intérieur du manoir. Il a du mal à se conformer à l’étiquette trop stricte de ce cadre social, et son père doit par exemple le reprendre sur ses manières à table.
A la fin du manga, il dirige sa dernière attaque, non directement vers Dio (le vampire), mais vers le navire (le cadre !). La dernière image du manga (après l’explosion de ce cadre) représente d’ailleurs un océan qui s’étend à perte de vue sur une double-page [3] et annonce les grands espaces libres que l’on trouvera dans les arcs suivants.
Les deux personnages principaux défendent donc tous les deux, chacun à sa manière, le point de vue de l’auteur. Aucun ne veut rester dans le cadre.
Du coup, si (par pure curiosité scientifique) on s’amuse à tester ici l’interprétation psychanalytique qui est souvent appliquée aux romans gothiques, on pourrait dire que les deux personnages sont en fait deux aspects d’une même personne. Jonathan représente la part consciente du Moi ; tandis que Dio symbolise sa part d’ombre. (C’est-à-dire tout ce qui a été refoulé dans l’inconscient car inadapté au cadre social. Mais ressurgit sous une forme agressive et inquiétante qui vient attaquer le conscient et cherche à prendre le dessus.) Jonathan serait l’enfant ordinaire auquel les lecteurs s’identifient, tandis que Dio représente leur part d’inconnu.
En littérature gothique, c’est en tout cas ce que symbolisent les vampires et revenants qui attaquent la société. Et c’est aussi à cela que sert le motif récurrent du double (frère jumeau caché, sosie, seconde personnalité, reflet dans un miroir ou portrait).
Ici (ça tombe bien !) Dio est présenté à la fois comme un vampire et comme un double. En effet, l’histoire ne cesse de mettre l’accent sur la ressemblance des personnages, au moins autant que sur leurs différences. Par exemple, lorsque George Joestar fait les présentations au début du manga, il rappelle que les personnages ont tous deux perdu leurs mères et qu’ils ont le même âge. Par la suite, les deux personnages évoluent toujours en parallèle et sont sans cesse associés à des éléments complémentaires (comme l’ombre et la lumière, ou le feu et la glace), selon le principe du yin et du yang. Le double à la fois similaire et différent, familier et étranger, est bien sûr une autre application de l’inquiétante étrangeté. (Voir article « Comment Dracula a inspiré Dio« )
Il y a en réalité beaucoup d’éléments qui vont dans le sens de cette interprétation :
Prenez par exemple votre premier tome de JoJo dans l’édition classique : Sur l’image de couverture, le placement des personnages illustre en fait assez bien le principe du conscient et de l’inconscient. Ils sont collés l’un à l’autre de manière à ne former qu’un seul bloc (ce serait le Moi), avec Jonathan de face et Dio de trois quarts, à demi-caché derrière lui comme une ombre (ou comme une pensée inconsciente.)
Cette image :
Un autre énorme indice serait évidemment la réplique de Jonathan à la fin de Phantom Blood : « Dio… Kimi no iu yô ni, bokura wa yahari futari de hitori datta ka mo shirenai. » [4] (« Dio… Comme tu le disais, peut-être qu’en effet nous ne faisions qu’un. »).
Enfin, on peut noter que, à l’instar des pensées refoulées qui ne font que ressurgir avec plus de violence lorsqu’on tente de les combattre, Dio meurt à plusieurs reprises au cours du manga et il revient toujours ! Il est empalé sur une statue et brûlé vif à la page 97 du tome 2, puis se désintègre à la page 269 du tome 3, avant de revenir sous forme de tête sans corps et d’être finalement vaincu… Mais pas complètement, puisqu’il réapparaîtra dans l’arc de Stardust Crusaders (déjà prévu par l’auteur à cette époque).
C’est bien sûr le rôle d’un Némésis dans un manga. Mais l’idée que ce que l’on croit mort ressurgit toujours est aussi l’un des grands principes de la littérature gothique. (Voir article sur les références à la littérature gothique.) Il se traduit dans ces romans par la présence de fantômes, morts-vivants, châteaux médiévaux et monuments en ruines, qui témoignent de la survivance du passé.
Bien sûr, mettre en scène la dualité à travers des personnages qui incarnent le yin et le yang, c’est aussi un véritable topos du shônen manga ! Pour ne citer que deux duos célèbres, on peut prendre l’exemple de Ken et Shin dans Hokuto no Ken [Ken le Survivant]. (Duo qui a bien sûr inspiré JoJo !) Ou, plus récemment, de Naruto et Sasuke. (C’est devenu l’exemple le plus célèbre aujourd’hui !)
Mais pourtant, ce n’est pas pour autant que l’interprétation psychanalytique s’applique aussi bien dans chaque cas… (L’inconscient de Naruto, par exemple, serait plutôt représenté par Kurama.)
Du coup, pourquoi cette interprétation fonctionne-t-elle ici, et pas ailleurs ?
Outre le fait que Shin et Sasuke ne passent pas leur temps à mourir et à ressusciter, on peut encore distinguer deux autres raisons :
1) Tout d’abord, Shin et Sasuke sont de simples humains, tandis que Dio est une créature fantastique, ce qui en fait un être irréel, plus proche du domaine de la pensée. (Plutôt à l’instar de Griffith dans Berserk).
Même avant qu’il se transforme en vampire, son comportement est déjà irrationnel, puisqu’il ne fait que dérober et détruire tout ce qu’il touche. Sur les images, il est souvent placé en hauteur, et son prénom (« Dieu » en italien) montre bien qu’il appartient au domaine spirituel.
2) La seconde raison est que la dynamique entre les personnages est ici inversée : Dans Hokuto no Ken comme dans Naruto, c’est le héros qui ne cesse de poursuivre son rival (qui, lui, a plutôt tendance à le fuir).
Cependant, dans Phantom Blood, s’il est vrai que Jonathan poursuit Dio pendant une partie de l’arc, c’est Dio qui vient le harceler au début de l’histoire et semble chercher à tout prix à attirer son attention. De même, c’est lui qui poursuit Jonathan jusque sur le navire à la fin. Son comportement correspond donc plus au mode de fonctionnement d’une pensée obsédante.
On est dans un schéma d’histoire différent. Le héros du manga ne poursuit pas un but : il est poursuivi.
3) Enfin, Shin et Sasuke semblent avoir d’autres personnes dans leurs vies que leurs rivaux! (Shin se meurt d’amour pour Yuria, et Sasuke est obsédé par l’idée de tuer son frère Itachi…)
Mais Dio – dans cet arc, du moins – paraît considérer tous les humains comme des insectes, à l’exception de Jonathan. Cette exclusivité renforce l’impression qu’il n’existe que pour lui, et pourrait aussi bien n’être que l’autre moitié de son esprit.
c.q.f.d.
Conclusion! Dio VS JoJo : que représente cette opposition ?
Il existe au moins trois interprétations différentes à la réplique de l’amitié bizarre – et autant de lectures possibles de cet arc !
1) L’interprétation un peu moralisatrice (à la East of Eden), qui met l’accent sur le pardon et l’importance de la famille. (Dio est malgré tout le frère adoptif de Jonathan.)
2) L’interprétation romantique (plutôt à la Carmilla). Il est vrai que, dans la littérature, les sous-entendus romantiques sont courants dans les histoires de double maléfique et d’opposés. (Au moins depuis Le Double de Dostoïevski.) Ces histoires sont souvent interprétées ainsi car elles reposent sur des liens d’amour/haine et d’attraction/répulsion entre les personnages. Et parfois sur l’idée que ces personnages ont un lien spécial, qui les place au-dessus du commun des mortels.
Mais il faut rester prudents avec les théories des fans et les interprétations fondées sur la littérature occidentale :
N’oublions pas non plus qu’au Japon et dans les mangas shônen, l’amitié est très valorisée, voire considérée comme supérieure à l’amour. Ce qui explique que les fans occidentaux interprètent souvent de manière romantique des histoires d’amitié très passionnées. De plus, les shônen de l’époque sont tellement sexistes, les personnages féminins tellement insignifiants, qu’il est normal que les lecteurs se focalisent sur les liens entre personnages masculins. Enfin, dans le cas du ship Jonathan x Dio, il y a peut-être aussi une part de fan-service, une insistance sur certaines scènes, dans l’adaptation animée de 2012. [5]
3) Enfin, l’interprétation psychanalytique : Si vous avez bien suivi vous cours de philo en Terminale, vous savez que, selon Freud, le seul moyen de se débarrasser de ce qui est refoulé est bien sûr de se réconcilier avec et de l’accepter. Plus largement, une interprétation de ce manga est que Dio vient en fait pour sauver Jonathan en l’arrachant au cadre conformiste dans lequel il vit. Jonathan semble a priori n’aspirer qu’à vivre une vie ultra-conformiste avec son père, sa petite amie et son chien. Mais Dio lui enlève progressivement ces trois éléments, entraîne l’histoire vers de la dark fantasy, puis revient chercher Jonathan au moment où celui-ci retournait s’enfermer dans un cadre conventionnel en décidant de se marier. Étant donné qu’un des grands thèmes de la série est la critique du conformisme, c’est une interprétation assez plausible.
Mais il y aurait encore plein d’autres hypothèses à évoquer…
- Celle de la référence cinématographique : Sachant qu’Araki dit avoir appris l’art de la mise en scène et du scénario en étudiant le Hitchcock/Truffaut, il pourrait par exemple s’agir d’une simple référence au film d’Hitchcock L’Inconnu du Nord-Express (Strangers on a train). Dont la fin est en effet surprenante car le héros, après avoir été harcelé pendant tout le film par un inconnu qui lui demande de commettre un meurtre pour lui, décide contre toute attente de lui rendre hommage en complimentant son intelligence. C’est un plot twist similaire à celui de Phantom Blood : l’idée que deux personnages présentés comme des ennemis mortels avaient, dans le fond, du respect l’un pour l’autre. Seconde référence possible : le film d’horreur Frère de sang (Basket Case) dont Araki dit s’être inspiré pour les stands. Dans ce film, le gentil héros transporte dans un panier son frère siamois monstrueux et diabolique, que lui seul apprécie et qui finit pourtant par le tuer. Il y a une scène où le héros est assis par terre pour parler à son frère et sa position ressemble vaguement à celle de Jonathan quand il meurt. La première référence pourrait aller dans le sens de l’interprétation romantique, tandis que la seconde rappelle plutôt l’interprétation psychologique. Mais aucune des deux n’est vérifiée.
- Une autre théorie qui circule sur internet est celle de la réunion du corps et de l’esprit : Jonathan symboliserait le corps, et Dio l’esprit. Deux éléments qui aspirent à être réunis pour former un être à part entière. Et leur réunion à la fin de Phantom Blood marquerait le réel point de départ de la série. C’est vrai qu’en combat Jonathan utilise plutôt la force, et Dio la ruse. De plus, Dio est souvent placé en hauteur dans les images, tandis que Jonathan a (littéralement) les pieds sur terre.
Ce troisième article conclut donc l’analyse de Phantom Blood, qui est l’une des parties les plus courtes de JoJo, mais aussi l’une de celles qui contiennent le plus de références littéraires…
Le scénario ressemble à un immense crossover Dracula x A l’est d’Eden x Les Misérables x Salem’s Lot x Le Rouge et le Noir…x Hokuto no Ken ! Pas étonnant, donc, que cette histoire soit un véritable bazar ! On mélange sans distinction littérature fantastique, réaliste et romantique ; cinéma d’horreur et shônen manga.
Du coup, la compétition Dio VS JoJo est-elle pertinente??
Personnellement, je dirais que les deux sont les héros. (Ou que les deux réunis forment le héros.) Ce sont des personnages complémentaires qui se mettent en valeur mutuellement.
Voilà, vous avez lu tout ça… pour ça!
À bientôt dans de prochains articles!
To be continued…
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Rédigé par Umeboshi
Rédactrice, Relectrice SEO, Community Manager, enfant prodige, passionnée d’univers gothiques, mangaphile, parle le japonais couramment, a rédigé une thèse de 80 pages sur JoJo’s Bizarre Adventure.
Notes
[1]
Tous les numéros de pages sont donnés dans la collection JoJonium, une édition de la série JoJo’s Bizarre Adventure en grand format, où l’arc de Phantom Blood correspond aux trois premiers tomes.
[2]
Hirohiko Araki, JoJo’s Bizarre Adventure, JoJonium (t.3), Tôkyô, Shûeisha, 2013, p.330.
[3]
Ibid. (t.3) pp.338-339.
[4]
Ibid. (t.3) p.330.
[5]
Pour en savoir plus à ce sujet, je vous invite aussi à lire l’interview d’Araki avec Junko Kaneda, publiée dans Eureka Magazine le 26 novembre 2007 et accessible en anglais et en japonais sur le site jojowiki : Eureka (November 2007) — JoJo’s Bizarre Encyclopedia – JoJo Wiki Interrogé au sujet du ship Jonathan x Dio, Araki répond que c’est une interprétation possible de son manga, bien que ce ne soit pas ce qu’il avait en tête en l’écrivant.
Junko Kaneda est une sociologue qui se revendique « fujoshi » (terme péjoratif pour désigner les consommatrices de yaoi). Elle a publié des essais comme Notes d’une fille qui croyait que Baki était un BL et s’intéresse aux mécanisme qui poussent les adolescentes à faire des interprétations « boys’ love » sur des mangas shônen. (Dans son essai, elle prend comme exemple Baki The Grappler, qui est considéré comme LE manga de combat par excellence.) Cela peut paraître étrange comme démarche. Mais il semble qu’au Japon les « interprétations yaoi » concernent plus fréquemment des personnages un peu éffeminés, prévus pour plaire au public féminin. Faire des « interprétations yaoi » sur des personnages très musclés comme ceux de Baki ou JoJo n’est pas si courant que ça.
Dans l’interview de 2007, elle interroge Araki sur quatre ships populaires au Japon : Jôtarô x Jôsuke (oui, ce ship existe !), Johnny x Gyro, Pucci x Dio (qui n’est pas un ship, mais un couple officiel) et Jonathan x Dio. Elle explique aussi les éléments du manga qui ont poussé les lecteurs à construire ces interprétations. Mais le ton peu sérieux de l’interview révèle aussi que la société japonaise n’est pas très ouverte sur la question de l’homosexualité.
Bibliographie (Archives du match Dio VS JoJo)
Œuvre étudiée
ARAKI Hirohiko, JoJo’s Bizarre Adventure. Phantom Blood. In: JoJonium (t. 1-2-3), Tôkyô, Shûeisha, 2013.
Romans cités :
RICE Anne, The Vampire Lestat, New York, Ballantine Books,1985.
STENDHAL, Le Rouge et le Noir, Paris, Michel Levy frères, 1854. Disponible intégralement sur : https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Rouge_et_le_Noir
STOCKER Bram, Dracula, Londres, Penguin Classics, 2003.
Ouvrages théoriques sur les mangas
ANZALONE Frederico, JoJo’s Bizarre Adventure. Le diamant inclassable du manga, Toulouse, Third Editions, 2019.
ARAKI Hirohiko, JoJoveller. History (1979-2013), Tôkyô, Shûeisha, 2014.
ARAKI Hirohiko, Manga in Theory and Practice. The craft of creating manga, San Francisco, VIZ Media, 2017 [Traduction anglaise de Nathan A. Collins].
BOUISSOU Jean-Marie, Manga. Histoire et univers de la bande dessinée japonaise, Arles, Editions Philippe Picquier, 2010.
GOTÔ Hiroki, Jump. L’âge d’or du manga, Paris, Kurokawa, 2018 [Traduction française de Julie Seta].
PINON Matthieu, LEFEBVRE Laurent, Histoire(s) du manga moderne 1952-2012, Paris, Ynnis Editions, 2019-2022.
TRUBY John, L’anatomie du scénario, Paris, Nouveau Monde Editions, 2010. Traduction française de Muriel Levet.
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