[INTERVIEW] Julie et Gino Stephan, traductrice et lettreur de mangas

Julie et Gino Stephan sont un couple qui travaillent tous les deux dans l’univers du manga. Ils appartiennent à une entreprise spécialisée dans la traduction et le lettrage, Studio Mankai, qui travaille avec plusieurs maisons d’éditions, dont le groupe Delcourt (Soleil, Tonkam…). Julie a également traduit trois saisons de l’anime Naruto.

À l’occasion de la soirée de lancement de l’association AFJQL (Amicale Franco-Japonaise du Quartier Latin) en décembre dernier, ils ont accepté de répondre à une interview pour nous présenter leurs métiers. Ils nous dévoilent les coulisses de fabrication de la version française d’un manga. Et ils évoquent les menaces liées aux évolutions technologiques pour le marché français du manga.

Interview de Julie & Gino par la Revue de la Toile

Quel a été votre parcours ?

Julie : « J’ai passé une licence de japonais à l’Inalco et c’est en 2e année de licence que j’ai commencé la traduction, au début aux éditions Soleil. Puis j’ai poursuivi avec d’autres éditeurs. J’ai traduit principalement du manga et un peu d’anime, notamment une partie de l’anime Naruto. Il y a quelques années, j’ai changé mon entreprise individuelle et ai co-fondé une société avec une personne de ma famille, pour proposer également du lettrage. Mon mari, Gino, m’a donc rejoint en lettrage et nous travaillons ensemble, avec d’autres sous-traitants. Nous proposons nos services à différents éditeurs : pour l’instant, principalement Delcourt, Tonkam, Soleil, Nobi-Nobi, Doki-Doki, Omake et Crunchyroll. »

Comment en êtes-vous venue à étudier le japonais ?

Julie : « C’est de famille ! Mon cousin Florent Gorges est assez connu dans le milieu du jeu vidéo et du manga. Il a été l’un des co-fondateurs des éditions Omake, il avait monté Pix’n Love et il avait beaucoup participé à la chaîne Nolife. Il avait sept ans de plus que moi, donc c’était lui qui m’avait initiée à cet univers-là. Quand il avait 17-18 ans, il est parti passer sa première année scolaire au Japon et j’ai continué de mon côté puis, dès que j’ai eu l’âge, je l’ai rejoint dans le manga. »

Gino, en quoi consiste le métier de lettreur/graphiste ? Quel est son rôle dans la conception de la version française d’un manga ?

Logiciel où on voit une page de manga en japonais. Le texte qui doit être remplacé à l'intérieur des bulles est surligné, mais pas les onomatopées.
Manga : Back from isekai © Square Enix / Shiraishi Arata, Sameda Koban. Tous droits réservés. Description : Logiciel de travail pour le lettrage d’un manga.

Gino : « Pour commencer c’est de remettre le manga en page, avec toute la pagination. De remplacer le texte japonais par le texte en français. Et de refaire les onomatopées quand c’est nécessaire. Cela varie aussi selon les éditions : par exemple, certaines veulent enlever les hors-bulles, tandis que d’autres non. Parfois, on a aussi besoin de faire des retouches sur le dessin, autour des textes hors-bulles. »

Julie : « Autant les consignes pour la traduction varient peu selon les éditions (à part peut-être pour la ponctuation), autant pour le métier de lettreur chaque édition a des exigences très différentes. »

Gino : « Oui, au niveau de la maquette certaines éditions veulent inverser complètement les images, d’autres les veulent à une certaine taille… Donc il faut avoir des mémos et savoir jongler entre les différentes exigences. »

Page de manga en japonais, puis en français.
Manga : Magic Nail Art © Marukawa/Shufu to seikatsu Sha. NaBan pour l’édition française. Traduction de Julie Stephan. Tous droits réservés. Description : Exemple de page qui contient différents types de textes : texte hors-bulle qui déborde sur le dessin, texte écrit très petit à faire rentrer dans une bulle, etc.
Page de manga en japonais, puis en français. Les personnages tiennent une planche de surf sur laquelle est écrit un mot japonais. Dans la version française, il est remplacé par un mot français.
Manga : Mofusand © JUNO / Kadokawa Shoten. Soleil pour l’édition française. Traduction de Julie Stephan. Tous droits réservés. Description : Ici, il a fallu changer le texte sur la planche de surf.

Les éditions ont-elles aussi des exigences ou des consignes concernant la traduction ?

Julie : « Oui, mais elles ne varient pas autant d’un éditeur à l’autre. Elles dépendent plutôt du genre du manga (shôjo, shônen, seinen…) et du public visé. Par exemple, on soigne plus le langage pour du shôjo que pour du shônen. Et, depuis quelques temps, on édulcore énormément tous les gags un peu pervers ou sexistes, car ça ne passe plus du tout en France. »

La conception d’un manga est un travail d’équipe ?

Gino : « Tout à fait. Quand je fais la maquette, je relis en même temps le manga et il arrive que je le renvoie à Julie pour corriger des détails dans le texte. Puis elle me le repasse. La maison d’édition apporte aussi des modifications, refait des choses à sa manière… Donc le manga passe vraiment par plusieurs personnes avant d’arriver au résultat final. En général, on passe par trois ou quatre versions différentes. »

Julie : « Il y a un jeu de ping-pong permanent. C’est obligatoire si on veut vraiment bien faire notre boulot. »

Quelles sont les spécificités / les difficultés de la traduction du japonais vers le français ?

Julie : « Ce qui peut être compliqué, c’est que le sujet est souvent sous-entendu dans une phrase en japonais. Il n’y a pas forcément de masculin ou de féminin, de singulier ou de pluriel… Du coup, quand c’est du suggéré ou qu’il y a un suspense, on galère parfois à trouver un équivalent qui reste neutre. Car lors de la révélation dans le tome suivant, on se rendra peut-être compte qu’on est tombé à côté ! (rires). Ce n’est donc pas toujours facile, mais avec le temps on sait trouver des parades.

En japonais, on a parfois un vrai concept derrière un mot et, pour le traduire, il faudrait une phrase ! Malheureusement, on a la contrainte physique de la bulle. Qui, de plus, est prévue pour une écriture verticale. Les traducteurs débutants traduisent très littéralement et veulent faire de longues phrases. Mais le traducteur qui a un peu d’expérience pense justement à la galère du lettreur qui devra insérer le texte dans les bulles ! (rires). »

Gino : « Oui car ensuite on se retrouve avec une police de taille 2 et c’est quasiment illisible. »

Quelles est l’expression / le jeu de mot le plus difficile à traduire que vous ayez rencontré dans un manga ?

Julie : « Pour commencer, il y a toutes ces petites expressions récurrentes, de type « naruhodo » ou « yappari » – celles qu’on traduit généralement par : « Je vois », « C’est clair » ou « En effet ». Pour mieux traduire, il faudrait faire une phrase comme : « Ça tombe sous le sens. » Mais c’est beaucoup trop long et ça ne rentrerait pas dans la bulle… Et c’est insupportable, car les mangas sont truffés d’expressions de ce type ! (rires).

J’ai aussi eu le cas d’un manga fantastique, où il y avait des enfants déscolarisés – donc sans uniformes – et avec des prénoms comme « Mizuki », qui pouvaient être aussi bien masculins que féminins… Si bien que pour certains personnages d’apparence androgyne, il était littéralement impossible de savoir si c’étaient des garçons ou des filles ! Même en faisant des recherches en japonais sur internet, on ne trouvait rien… Donc pour les pronoms personnels en français, je m’arrachais les cheveux ! »

Le métier de lettreur a-t-il évolué ces dernières années ?

Gino : « Oui, avec les outils numériques, les auteurs au Japon insèrent plus facilement des onomatopées dans leurs mangas. Il y a aussi plus de texte et plus de bulles, par rapport aux anciens mangas. Donc cela fait plus de travail pour les lettreurs et cela nous prend plus de temps. Les onomatopées sont plus complexes et, maintenant, il y a même parfois des mangas en couleurs. Nos outils évoluent aussi, mais l’IA ne fonctionne pas pour l’instant pour ce métier. »

Julie : « Les trames (arrière-plans ou motifs pré-dessinés) utilisées dans les mangas sont aussi plus complexes avec le numérique. Lorsqu’il y a un texte hors-bulle, il faut effacer et refaire la trame autour du texte, ce qui prend plus de temps aujourd’hui. »

Gino : « Oui et l’IA ne sait pas, pour le moment, reproduire les trames. Les points de trame doivent vraiment être refaits à la perfection et, si on agrandit, on peut voir que chaque point de trame est un peu différent. Donc si on veut faire un travail de qualité, cela peut prendre beaucoup de temps. »

Julie : « On dit que la technologie est censée nous aider. Mais en réalité, elle nous pose surtout des problèmes car son seul effet est que les Japonais nous filent du matériel plus compliqué qu’avant. »

Gino : « Une autre chose qui a changé pour les lettreurs est que les onomatopées n’étaient pratiquement pas traduites auparavant. Elles étaient traduites quand elles correspondaient à des sons (les onomatopées « giongo »), mais pas quand elles correspondaient à des attitudes (les onomatopées « gitaigo »). Maintenant, il n’est pas rare chez certains éditeurs qu’on écrive « zieute » ou « regarde » par-dessus les onomatopées. »

Julie : « Oui, c’est peut-être l’influence des traductions anglaises des mangas. Autrefois, lorsqu’un personnage attrapait quelqu’un par la manche dans un manga, on traduisait l’onomatopée par un bruitage. Maintenant, il arrive qu’on écrive « chope » par-dessus. »

Page de manga en japonais, puis en français.
Manga : Magic Nail Art © Marukawa/Shufu to seikatsu Sha. NaBan pour l’édition française. Traduction de Julie Stephan. Tous droits réservés. Description : Exemple de manga qui contient des cases en couleurs. Dans la deuxième case, l’onomatopée japonaise est conservée, et on rajoute une onomatopée française à côté.

L’IA est-elle un danger pour les traducteurs ? J’ai l’impression que Google Traduction ou Deepl ont plus de mal avec le japonais qu’avec d’autres langues…

Julie : « Là encore c’est parce qu’il y a beaucoup d’implicite en japonais. En manga, on s’appuie aussi sur le dessin pour interpréter le texte, et Google Traduction ou Deepl ne peuvent pas traduire en comparant avec l’image en même temps. Il y a 9 chances sur 10 qu’ils tombent complètement à côté.

Ce qui est plus inquiétant en revanche, c’est qu’il y a des logiciels « spécial manga » qui sont prêts depuis longtemps au Japon mais qui ne sont pas encore officiellement lancés. Il y en a un qui s’appelle « Mantra » (probablement une contraction de « manga » et « traduction »). Et on raconte que sur 10 bulles qu’il traduit, il y en a 5 qui n’ont pas besoin d’être retouchées. Les 5 autres nécessitent juste quelques corrections. Donc on n’est pas encore impactés, mais ces logiciels sont prêts depuis un peu plus d’un an. »

Donc ce sont les Japonais eux-mêmes qui développent des outils pour traduire leurs mangas dans d’autres langues ?

Julie : « Exactement. Avec ces outils, ce sont les Japonais qui vont proposer leurs mangas déjà traduits aux éditeurs étrangers. Pour l’instant, le logiciel traduit en 16 langues en simultané. Ils vont donc les proposer aux éditeurs pour les versions sur papier mais, en numérique, c’est eux-mêmes qui vont poster leurs mangas directement traduits sur une plateforme.

Donc la logique voudrait que, dans quelques temps, non seulement les traducteurs n’aient plus de boulot, mais les éditions françaises non plus. Car il y a un intervalle de quelques mois entre le moment où le manga sort au Japon et celui où il est publié en France sur papier, tandis que sur la plateforme les traductions seraient disponibles de manière instantanée. »

Mais ce seraient des traductions de plus basse qualité ?

Gino : « La traduction ne sera pas entièrement faite par une machine : on aura toujours besoin de quelques personnes pour faire marcher les logiciels et contrôler les traductions. Il y aura donc quand même un relecteur pour adapter les blagues ou les tournures de phrases au public français. »

Julie : « Il y a déjà un site de traduction simultanée au Japon, où les auteurs peuvent déposer leurs mangas. N’importe qui peut se proposer traducteur, passer par ces logiciels d’aide et recorriger un petit peu. Ces logiciels leur proposent 100 yens de rémunération à la page, donc ce n’est pas viable et il est impossible d’en faire son métier.

Quant au logiciel Mantra, ses créateurs ne sont pas bêtes : ils ont repéré dans tous les pays les gens qui faisaient de la fan-trad (qui traduisent et postent illégalement des scans de mangas sur internet). Et ils leur ont proposé de faire de la relecture pour leur logiciel, moyennant un micro-salaire. Ce sont des gens qui faisaient de la traduction gratuitement, à la base. Donc évidemment, même si on leur propose un salaire ridicule, ils sont contents ! »

Gino : « Mais en effet, la qualité des traductions risque de baisser car ce ne sont pas des traducteurs professionnels. Et ce logiciel va inonder le marché, une fois qu’il sera mis en route. »

Julie : « Non seulement il n’y aura pas de traducteur professionnel, mais il n’y aura pas non plus d’éditeur pour relire et revérifier. Les maisons d’éditions françaises vérifient aussi qu’on est dans les clous, sociétalement parlant. Par exemple, si on édulcore les blagues sexistes dans les mangas jeunesse, c’est sur les directives des éditeurs. Il peut aussi y avoir des tabous culturels ou religieux, dont ils sont les garants. Sans garde-fou, j’imagine qu’il peut y avoir quelques incidents. »

Gino : « Et avec ce logiciel, les Japonais feraient d’une pierre deux coups car cela leur permettrait aussi d’éliminer la scan-trad. Peut-être qu’il y aura encore du contenu disponible gratuitement sur internet, mais alors ce seront des traductions volées à leur logiciel, pas des scan-traders qui traduisent eux-mêmes. C’est d’ailleurs officiellement la raison première du développement de ces logiciels. »

Le manga numérique fonctionnerait-il si bien auprès du public français ?

Julie : « Si le logiciel Mantra est prêt mais n’a pas encore été mis en service, c’est qu’il y a des raisons. Les éditions Piccoma qui proposaient des mangas en lignes ont eu du mal à séduire le marché et ont fermé en France. Les fans français sont majoritairement un public de collectionneurs : ils aiment acheter des tomes de mangas en version papier, feuilleter les mangas dans les bibliothèques ou dans les magasins, racheter leurs séries préférées en éditions Deluxe, acheter au coup de cœur en voyant de belles couvertures… Donc je pense qu’on a encore un peu de temps devant nous. »

Gino : « Oui, il y aura toujours des fans pour acheter des bouquins. Mais sans doute de moins en moins, car les gens aujourd’hui ont pris l’habitude de lire sur leurs portables. Et on voit déjà avec les gens qui lisent des scans-trads que les fans ne veulent pas attendre la sortie papier pour avoir les nouveaux chapitres des mangas. »

Le marché du manga se porte-t-il bien en France actuellement ?

Julie : « Pas tellement. On a eu un boom des ventes de mangas pendant le confinement. Mais après 2022, le pouvoir d’achat s’est effondré tandis que le coût des matières premières (encre, papier…) augmentait. Piccoma a fermé en 2024, ainsi que d’autres éditeurs. Il y a eu un gros recul du chiffre d’affaires et la situation est tendue. »

La France est pourtant le deuxième consommateur de mangas, derrière le Japon…

Julie : « C’est vrai. Mais il y a une différence entre les grosses licences (One Piece, Naruto, Dragon Ball…) et le reste du marché. Les shônen commerciaux se vendent très bien, mais ce n’est pas le cas des autres mangas. Cet écart s’est beaucoup creusé ces dernières années, car auparavant le public était plus curieux de découvrir des mangas d’auteurs ou des petites séries. Du coup, ce sont les petites maisons d’édition qui coulent, pas celles qui ont les grosses licences. »

Sur quels titres avez-vous travaillé ? C’est plutôt un manga d’auteur, mais le groupe Delcourt prévoit prochainement la réédition du manga Frère du Japon de Taiyô Matsumoto, l’auteur d’Amer Béton qui est assez célèbre…

Julie : « En effet. Mais comme il s’agit d’une réédition, je ne ferai pas la traduction. Seul Gino travaillera dessus, pour refaire le lettrage.

Le titre le plus célèbre sur lequel j’ai travaillé est l’anime de Naruto, dont j’ai traduit trois saisons. J’ai traduit la mort de Jiraiya, qui m’a fait pleurer ! Et aussi le combat de Sasuke et Itachi, qui avait une musique magnifique.

En manga, j’ai traduit Gambling School et les séries qui en sont dérivées, le yaoi Junjô Romantica, ou encore le shônen Classroom for Heroes.

S’il travaille sur des grosses licences qui font vraiment beaucoup de ventes, le traducteur peut espérer toucher des droits d’auteurs. Mais c’est assez rare : ça ne m’est presque jamais arrivé, même avec Gambling School qui est pourtant assez célèbre. Quant à Naruto, il s’agissait de l’anime et non du manga. Et le traducteur ne touche pas de droits d’auteur pour un anime. Seule une poignée d’élus peut se vanter de toucher de super royalties ! »

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes qui souhaiteraient devenir lettreurs ?

Logiciel de lettreur. On voit une page de manga avec des bulles vides, prêtes à être remplies.
Manga : Back from isekai © Square Enix / Shiraishi Arata, Sameda Koban. Tous droits réservés.

Gino : « Se lancer dans le graphisme n’est pas évident, car il faut déjà bien connaître les maisons d’éditions et leurs différentes attentes. Du coup, pour quelqu’un qui débute, je lui conseillerais de commencer par travailler dans une seule maison d’édition, avant de travailler comme moi pour plusieurs éditeurs. Car même si le résultat final est à peu près le même, la façon de faire est complètement différente d’un éditeur à l’autre. »

Julie : « Côté études, cela demande d’être à la fois graphiste et maquettiste. Avoir des notions de japonais aide aussi beaucoup. Je travaille aussi avec une lettreuse japonaise, et elle n’a pas du tout les mêmes difficultés que les lettreurs qui ne parlent pas du tout cette langue. »

Faut-il avoir le diplôme JLPT N1 (niveau le plus élevé du Japanese Language Proficiency Test, équivalent du C2) pour être traducteur ?

Julie : « Ce n’est pas si académique. Le plus important est d’avoir vécu plusieurs années au Japon, c’est ce qui est impératif. Le langage est vraiment oral dans les mangas, il y a parfois des dialectes de différentes régions… Donc avoir étudié le japonais ne suffit pas, il faut vraiment bien connaître le pays et y avoir vécu.

Mais le problème aujourd’hui est que le marché est extrêmement saturé. On n’obtient pas un poste de traducteur en envoyant un CV : rien qu’à Soleil, les éditeurs reçoivent entre 10 et 20 CV par jour… Donc je conseillerais plutôt de rentrer par la petite porte : de faire un stage dans une maison d’édition ou d’être pris sur un autre poste pour essayer petit à petit de se faire des contacts.

Il faut savoir que c’est un milieu archi-fermé : il n’est pas rare que les maisons d’éditions embauchent le traducteur ou le graphiste d’une autre maison d’édition, plutôt que des nouveaux venus. C’est vraiment un microcosme où les gens se connaissent tous. Il suffit de regarder ma famille : mon cousin est fondateur  d’une maison d’édition, sa femme est lettreuse et fut co-fondatrice de notre studio, mon mari lettre aussi, et je suis traductrice. Donc l’idée qu’il suffit d’avoir un diplôme et d’envoyer son CV pour devenir traducteur de mangas, c’est un mythe. »

Quels sont vos mangas préférés ?

Julie : « J’aime les choses un peu didactiques. En France, on n’importe pas beaucoup ce style de manga. Mais au Japon, il y a des mangas pour apprendre à jouer aux échecs, il y a des mangas pour apprendre l’Histoire du Japon… C’est d’ailleurs comme ça que j’ai eu mon partiel d’Histoire ! (rires). Ça commence un peu à arriver en France : j’ai par exemple traduit des mangas qui faisaient découvrir des concepts philosophiques. Mais il n’y en a quand même pas beaucoup, alors que c’est ceux que je préfère.

Je pense que ce style de mangas mériterait plus d’attention de la part des éditeurs. Surtout qu’aujourd’hui il y a beaucoup d’adultes en France qui lisent des mangas, pas seulement des jeunes. Or on continue de traduire plutôt des histoires fantastiques ou des titres pour la jeunesse. Et lorsqu’on parle de mangas pour adultes en France, il s’agit surtout de mangas érotiques. Alors qu’il existe beaucoup d’autres choses. »

Gino : « Moi, je suis plutôt sur du shônen. J’aime les choses un peu légères, les mangas comme Classroom for Heroes. J’ai gardé une lecture jeune et, quand je vais dans une librairie, j’adore voir les enfants se précipiter sur les mangas, parler des personnages, dire : « Lui, c’est mon héros ! »… Je trouve ça vraiment sympa. »

Un mot pour nos lecteurs·ices ?

« Nous allons nous attacher à continuer à produire des mangas de qualité. Le style éditorial va probablement commencer à changer, pour s’adapter à de plus larges tranches d’âges. Et nous espérons pouvoir continuer à proposer des produits de qualité qui satisferont tout le monde. »

Merci à Julie et Gino Stephan pour cette interview !

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Umeboshi : prune japonaise séchée et amer

Rédigé par Umeboshi

Rédactrice, Relectrice SEO, Community Manager, enfant prodige, passionnée d’univers gothiques, mangaphile, parle le japonais couramment, a rédigé une thèse de 80 pages sur JoJo’s Bizarre Adventure.

Comments

Une réponse à “[INTERVIEW] Julie et Gino Stephan, traductrice et lettreur de mangas”

  1. Avatar de
    Anonyme

    Article très très intéressant mais aussi inquiétant pour l’avenir. Apprend beaucoup. Félicitations

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