On a fait précédemment la critique de la nouvelle adaptation des Trois Mousquetaires qui vient de sortir au cinéma, et l’on a brièvement présenté quelques films plus anciens… Quelles leçons tirer de tout ceci ? Après avoir interrogé les fans autours de moi, je vais tenter de résumer ici les cinq critères principaux d’une bonne adaptation…
L’avis des fans! Comment faire une bonne adaptation des Trois Mousquetaires?
Critère n°1 : L’humour !
Les films essaient souvent de rendre l’intrigue plus sérieuse, de peur de paraître ridicules. C’est une erreur!
Prenez plutôt exemple sur les trois films des années 70-80 (Les Trois Mousquetaires / On l’appelait Milady / Le Retour des Mousquetaires), qui n’ont pas craint de se faire traiter de parodies! –+10 points pour la scène du Retour des Mousquetaires où ils sont en train de trinquer sous l’échafaud, alors que le roi Charles est exécuté juste au-dessus!– Et c’est bien lorsqu’il y a quelques cascades amusantes dans les scènes de combats.
De manière générale, c’est un humour qui repose beaucoup sur l’ironie, les quiproquos, ou encore des enchaînements de gags proches de la farce. Je vous l’explique parce que ce n’est pas normal qu’un des romans les plus amusants au monde donne des adaptations parfois franchement soporifiques !
Critère n°2 : Les dialogues et le rythme
C’est un roman connu pour ses répliques. Certaines sont très iconiques, et les fans les connaissent par cœur! Du coup, c’est toujours dommage de changer les dialogues. Restez proche du texte!
Mon top 3 des meilleures répliques comiques de d’Artagnan :
- La meilleure description de l’Angleterre : « […] ce gredin de pays, où il fait froid toujours, où le beau temps est du brouillard, le brouillard de la pluie, la pluie du déluge ; où le soleil ressemble à la lune, et la lune à un fromage à la crème » (Vingt ans après, chapitre 63)
- Le meilleur clash envers Aramis : « […] mais je hais les hypocrites, et dans cette catégorie je range les mousquetaires qui font les abbés, et les abbés qui font les mousquetaires » (Vingt ans après, chapitre 31)
- A ce propos, meilleur résumé de son groupe d’amis : « Vous me trompez, je vous suspecte, et Porthos dort. Beau trio d’amis, n’est-ce pas ? » (Le Vicomte de Bragelonne, chapitre 220) Note : Je crois que ce passage n’était pas censé être comique, mais je ne peux m’empêcher d’imaginer la scène : avec d’Artagnan et Aramis qui se disputent depuis une heure, et Porthos qui dort tranquillement à côté! (J’aime comment d’Artagnan le ramène dans l’histoire alors qu’il n’a rien fait!)
Autres exemples de répliques (Juste pour le fun!) :
- « […] On se battait parce qu’on se battait. Je ne connais pas de meilleure raison, moi » Porthos. (Le Vicomte de Bragelonne, chapitre 193)
- « Monsieur l’homme pressé, vous me trouverez sans courir, moi, entendez-vous? » Athos. (Les Trois Mousquetaires, chapitre 4)
- « Mon ami, […] comment fait Dieu pour substituer un roi à un autre? » Aramis. (Bah, il ne se prend pas pour rien…) (Le Vicomte de Bragelonne, chapitre 227)
- « […] meurs impénitent, meurs désespéré, meurs et sois damné ! » Mordaunt. (Vous l’aurez reconnu à son doux caractère…) (Vingt ans après, chapitre 34)
Bon, c’était juste quelques répliques amusantes pour vous divertir. Mais, plus sérieusement, il y a aussi des dialogues avec des enchaînements de répliques très rapides, qui ont un véritable rythme.
De manière générale, il y a dans ces romans un rythme très dynamique, avec des scènes qui peuvent passer très brusquement du comique au tragique, des enchaînements de péripéties et de multiples retournements de situations. Même si ce rythme est peut-être plus proche de celui d’une série, puisque c’était à l’origine un roman publié en feuilleton. Essayez de le saisir!
Critère n°3 : Les grandes fêtes et les costumes
Personnellement, j’aime beaucoup les tenues de Milady dans les deux films des années 1970! Elle était habillée tout en blanc, un choix original et qui rappelle son nom de famille, De Winter. C’est toujours intéressant quand les personnages portent des couleurs un peu symboliques.
Concernant les héros – c’est un reproche qui a déjà beaucoup été fait au nouveau film – on attend bien sûr du panache : de la dentelle et des chapeaux à plumes! Un point positif pour le film de 2023, cependant : c’est l’une des rares adaptations à s’être rappelé qu’un mousquetaire est par définition quelqu’un qui se bat avec un mousquet ! (Pas seulement une épée!)
Et donnez-nous aussi de grandes scènes de fêtes colorées !
C’est le XVIIe siècle, faîtes-nous un peu rêver! Vous en aurez bien sûr l’occasion dans Le Vicomte de Bragelonne, avec la fête de Vaux.
Critère n°4 : Les conflits !
Vous l’aurez compris, ce que les gens veulent voir dans Vingt ans après et Le Vicomte de Bragelonne, ce sont aussi les confrontations entre les personnages principaux! Et, s’il vous plaît, pour une fois, faîtes un effort pour respecter la personnalité d’Aramis!
Aramis est l’un des personnages les plus complexes de la saga, et aussi l’un des plus populaires auprès des fans! Dans Le Vicomte de Bragelonne, il aura un rôle important, qui sera plus ou moins celui d’un antagoniste. Puisqu’il prépare un complot que d’Artagnan cherche à empêcher.
Pour l’instant, le seul film, à ma connaissance, qui a compris qu’il lui fallait dès le début un Aramis stylé s’il voulait arriver un jour jusqu’au Vicomte de Bragelonne est le nouveau film Les Trois Mousquetaires – D’Artagnan qui vient de sortir au cinéma. (Auparavant, cela semblait un peu inespéré, vu ce à quoi ressemblait Aramis dans tous les films…) C’est l’un des grands points forts de cette nouvelle adaptation!
Quelles ambitions pour Aramis dans le nouveau film?
Dans Le Vicomte de Bragelonne, Aramis fait empoisonner son prédécesseur, l’ancien Général de l’Ordre des Jésuites, et ment à Porthos pour l’entraîner à son insu dans un complot. C’est un personnage extrêmement machiavélique.
Les lecteurs le voient généralement comme quelqu’un qui fait quelques (graves) bêtises, plutôt que comme un traître ou un méchant, car il n’est pas vraiment condamné par le narrateur, ni par d’Artagnan. N’empêche que ce même scénario avec une mise en scène un tout petit peu plus accusatrice suffirait à en faire le troisième antagoniste de la saga, après Milady et Mordaunt. Même s’il s’agirait bien sûr d’un antagoniste de type « adversaire », tandis que Milady et Mordaunt étaient des antagonistes de type « ennemis ».
Vu la manière dont le personnage a été introduit, le nouveau film semble cette fois-ci envisager sérieusement la piste « dark Aramis ». C’est la grande tentation de quiconque adapte Le Vicomte de Bragelonne, d’autant plus que c’est le genre de personnage qui brille beaucoup plus en adversaire dangereux qu’en allié du héros. L’intérêt est que cela permettrait enfin d’axer le dernier film sur la confrontation Aramis/d’Artagnan.
Jusqu’ici, aucune adaptation à ma connaissance ne s’était montrée assez audacieuse pour se lancer sur cette piste. Habituellement, les films – soit qu’ils n’aiment pas voir les personnages se disputer, soit qu’ils craignent de présenter Aramis sous un jour trop négatif – préfèrent placer Louis XIV en antagoniste et décident que les mousquetaires sont tous volontaires pour participer au complot. Ce qui a bien sûr pour effet de retirer tout intérêt à l’histoire…
La nouvelle adaptation sera-t-elle la première à respecter le livre? Le XXIème siècle est une ère où le public se passionne pour les anti-héros : c’est le moment ou jamais. Hâte de voir, donc, ce que cela peut donner!
Au passage, petit conseil de lecture :
Pour mieux comprendre ce qu’est l’Ordre des Jésuites dans Le Vicomte de Bragelonne, je vous conseillerais de lire aussi Joseph Balsamo, sur le rôle des sociétés secrètes qui manipulent le cours de l’Histoire. C’est un thème récurrent des romans de Dumas.
Critère n°5 : Le drame !
Dernier point important : la mort des personnages à la fin! Porthos, par exemple, est un personnage devenu mythique grâce à sa mort. Un peu comme Rengoku-san dans Demon Slayer, mais en encore mieux! Et le siège de Belle-Île est un des passages les plus épiques de la série. Le final du Vicomte de Bragelonne sera l’un des moments les plus attendus de la saga!
Enfin, mon critère principal en tant que fan : restez le plus proche possible des livres !
C’est un roman conçu pour s’adapter au théâtre : beaucoup de dialogues et d’action, des répliques percutantes et un rythme dynamique. Les personnages ont chacun une attitude, une gestuelle et des tics de langages qui les caractérisent en reflétant leurs personnalités, ce qui facilite beaucoup la mise en scène.
Certains personnages, comme Mordaunt dans Vingt ans après, ont des apparitions très théâtrales, qui peuvent donner des scènes cinématographiques extrêmement stylées! Et dans la catégorie « sorties dramatiques », on peut bien sûr citer le chapitre « L’ami du roi » du Vicomte de Bragelonne, où Aramis quitte la pièce en jetant du sang au visage de Fouquet !
Vous voyez, pas besoin de rajouter des bateaux volants pour que ce soit fun! Et si vous ne savez vraiment pas comment mettre en scène ces romans, vous pouvez même vous inspirer des trois pièces de théâtre qui en sont dérivées : La jeunesse des Mousquetaires, Les Mousquetaires et Le Prisonnier de la Bastille.
Tout le travail est déjà fait pour vous ! Faîtes un peu confiance au texte : en restant fidèle aux romans, vous devriez très bien vous en sortir!
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Rédigé par Umeboshi
Rédactrice, Relectrice SEO, Community Manager, enfant prodige, passionnée d’univers gothiques, mangaphile, parle le japonais couramment, a rédigé une thèse de 80 pages sur JoJo’s Bizarre Adventure.
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